Dichotomie
S'il y a bien une chose que Claude déteste plus que tout au monde, c'est de ne pas avoir quelque chose de normal entre les jambes. Au lieu d'avoir ce qui lui permettrait de faire des enfants comme tout le monde, il a ce qui va l'aider à passer neuf mois à attendre de passer le reste de sa vie avec des cotisations sociales entre les bras. S'il devait avoir le rôle d'une femme, autant naître avec le bon genre. Et le bon sexe, parce qu'il n'a jamais demandé à avoir ce bordel à l'intérieur de lui. Dans tous les cas, il déteste être un Omega, et il se déteste autant qu'il déteste son stupide père Alpha qui n'a pas été foutu de lui refiler les bons gènes, au lieu de tout donner à sa sœur.
Claude n'aime pas sa vie, et il aime encore moins prendre toutes ces pilules et tous ces contraceptifs à chaque fois qu'il veut, et qu'il peut, s'autoriser un coup de folie, avec des gars bourrés la plupart du temps, pour qu'ils ne le rappellent pas et qu'ils ne cherchent pas non plus à le revoir. Il est un Omega, et si ça pouvait changer, il ne dirait pas non.
Pour trouver des gars bourrés et suffisamment inconscient pour coucher avec un Omega qui se cache derrière une odeur d'Alpha, il n'y a pas beaucoup d'autres endroits que les bars, et Claude commence à avoir écoulé les verres sans jamais tomber sur le bon pub. Il ne cherche pas du tout à se caser avec un Alpha pour le reste de sa vie, fonder une famille et avoir toute une tripotée de gosse, Omega mais pas bonne femme. Il a juste besoin de tirer un coup et de ne plus penser à ce genre spécifique et gênant de besoin avant un moment.
Il va pouvoir rayer ce bar de sa liste, parce qu'il n'a pas besoin d'un connard près de lui, et encore moins de son souffle alcoolisé contre sa joue. Claude lui casserait volontiers cette même main qui essaie de se glisser le long de sa mâchoire s'il n'avait pas repéré le groupe accompagnant cet enfoiré. Soit il prend sur lui, soit c'est lui qui prend. Dans tous les cas, il n'aime pas vraiment la tournure des évènements, et il n'a très clairement pas envie de coucher avec ce gars.
Son coude a failli s'encastrer malencontreusement dans les dents de cet Alpha, mais ce grand gars s'est levé pour l'aider. Si grand, si fin, musclé, en camo. Militaire, sans aucun doute. Dans une autre situation, Claude aurait fait une scène pour décrire à quel point il n'avait pas besoin de son aide, mais c'est un soldat, et s'il en croit son uniforme, il ne plaisanterait pas avec un type capable de poser un hélicoptère sur le toit de son immeuble. Tout ça est quand même plutôt amusant.
Claude apprend son nom avant de comprendre qu'il a trouvé son coup du soir. Bertrand alors, il a entendu pire, ça fera l'affaire. Alpha, fort, fier, droit. Un cliché de militaire mais il ne va pas cracher dessus.
Ce n'est pas le trajet en voiture le plus palpitant de sa vie, Claude est obligé de le penser très fort mais de ne rien dire. Il regarde par la vitre, en essayant de se concentrer sur ce que Bertrand lui dit, au lieu d'écouter la radio. Ouais, il a intérêt d'être bon au lit, pour combler les vides de ses anecdotes de guerre. Au moins, c'est la première fois que Claude se sent rassuré près d'un autre homme, et qu'il n'a pas peur qu'une main atterrisse sur sa cuisse sans qu'il ne le veuille pour le moment.
D'habitude, il y a un minimum de pulsion, là, il y a de la friction, et c'est tout. Claude n'a vraiment pas envie de s'engager dans l'armée si c'est pour que son âme se fasse aspirer par l'uniforme... Même les baisers ne sont pas palpitants, il y a une langue dans sa bouche et c'est tout. Son t-shirt file sur le sol, et son jean le rejoint vite, mais même avec toute l'excitation et l'envie du monde, Claude n'arriverait pas à arracher quelque chose de tout ça. Bertrand a l'air d'être un gentil garçon, mais il devrait continuer d'astiquer le manche de son hélicoptère pour apprendre certains gestes.
"Non."
"Non ?"
"On arrête."
"Je t'ai fait mal ? Pardon si j'ai mal fait quelque chose..."
Putain, le seul moment où la moindre once de chaleur apparaît sur ce joli visage, c'est quand Claude ne veut plus coucher avec lui... Il glisse un baiser sur ses lèvres, et même s'il ressent un peu plus de passion qu'avant, ce n'est pas avec ça qu'il va passer une bonne soirée...
Claude n'ira pas jusqu'à dire que c'est mieux que ce qu'il avait prévu, mais il y a quelque chose d'agréable à simplement regarder la télé, la tête sur le ventre de Bertrand, une main dans ses cheveux. C'est mieux que de se faire draguer au bar et de devoir cacher ce qu'il a entre les jambes, même si Bertrand n'est pas le plus doué avec ça. Claude ne sait pas qui fait le plus de trucs de gonzesse entre eux deux, mais il apprécie bien de ne pas avoir à réfléchir à sa pilule, simplement de se reposer avec un homme qu'il connaît un peu mieux au repos qu'au garde-à-vous...
Fin