11.Samuel

13 0 0
                                    

J'avais quitté la soirée depuis à peine dix minutes, mais je commençai déjà à regretter. C'est vrai quoi, quitter une soirée aussi tôt juste parce que j'avais un contrôle d'histoire demain... En plus j'avais oublié mon pull là-bas et il faisait un froid de canard ce soir.

Je marchai la tête rentrée dans les épaules, le dos courbé dans une tentative idiote pour avoir un peu plus chaud, mais rien n'y fit. Il devait faire 4° et j'avais l'impression qu'il faisait -2°. N'empêche, cette petite soirée m'avait permis de louper le repas de famille. Enfin pour eux ça ne devait sans doute rien changer. Ils se rendaient à peine compte quand je n'étais pas là.

On pouvait dire que je n'avais pas des parents très protecteurs.

En fait, pour être totalement honnête, je m'étais un peu incrusté à cette foutue soirée, mais les organisateurs n'avaient rien vu. Quand on fait ce genre de fête, une personne de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose.

J'avais passé ma vie à me fondre dans la masse, j'étais plutôt expert de ce côté-là. Je savais juste quand me faire remarquer et quand ne pas le faire.

Je connaissais mon corps, je savais que j'étais beau. Je l'avais toujours entendu, j'avais toujours suscité l'admiration chez les filles, et la jalousie chez les garçons. J'avais toujours eu le monde à mes pieds, tout le monde sauf les gens dont j'avais le plus besoin.

Mes parents devraient être fiers de moi, pourtant c'était à peine s'ils me remarquaient.

Ils m'avaient élevé parce qu'ils n'avaient pas eu le choix, mais quand on n'était pas désiré, avait-on le droit d'espérer être aimé comme n'importe quel enfant normal ?

Je n'avais pas eu une enfance malheureuse, seulement mes parents ne s'occupaient de moi que par obligations, et au moment où j'avais eu l'âge de me débrouiller seul, ils m'avait oublié. Je n'avais jamais connu les joies d'avoir une famille soudée, je n'avais jamais connu les moments de bonheur ou l'on s'amuse avec ses parents, je n'avais jamais eu droit aux histoires avant de dormir ou bien aller au cinéma, à la piscine, dans des parcs d'attraction...

Ma vie avait toujours eu le goût morne de quelque chose qu'il manque, et on ne remplaçait pas l'amour de ses parents par les soirées et les fêtes comme j'essayais maladroitement de le faire.

Je relevai les yeux de mes chaussures et sortis de mes pensées.

Il devait être trois ou quatre heures du matin, le ciel était d'un noir profond, intense. Les étoiles ne dansaient pas ce soir, elles s'étaient cachées derrière d'épais nuages. On n'y voyait franchement rien, pourtant, dans le noir je distinguai une forme.

Il y avait une personne au loin. Je pressai le pas.

Le quartier était plutôt mal réputé pour marcher seul le soir, même en tant qu'homme. Je m'apprêtai à changer de trottoir quand je m'aperçus que la personne n'était pas seule.

Je plissai les yeux pour mieux voir.

C'était un homme, et avec cet homme il y avait... Il y avait une fille.

Une fille, blonde et petite. Une fille qui me rappelait beaucoup trop quelqu'un d'autre.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant