84.Jordan

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Oui, j'étais blessé. Oui, j'avais mal. Oui, j'étais mal. Mais je l'aimais. 

Et je faisais partie de ces gens, qui pardonnaient tout à ceux qu'ils aimaient vraiment. Alors non, je ne lui en voulais pas. Ça aurait été ridicule de lui en vouloir alors que ce n'était même pas elle qui décidait. L'amour ne s'explique pas. C'était ce que je lui avais dit. Alors non, je ne lui en voulais pas d'en aimer un autre.

La sonnette retenti et je suivie sa petite silhouette des yeux.

On avait tout nettoyé de fond en comble et même si ce n'était pas totalement fini et qu'il y avait encore pas mal de choses à changer, à remplacer, à jeter, on avait réussi à faire un petit endroit sympa dans cette maison du malheur.

J'étais assis sur un coussin, à l'endroit qui était – à la base – la place de la table. Emma et Thaïs avaient poussé la grande table en bois contre le mur et on avait jeté des coussins au sol. Pleins de coussins.

Au centre de leur cercle de coussins trônaient fièrement des paquets de chips, des gâteaux apéros et des boissons – non alcoolisées - en tout genre.

Noah entra dans la maison. Il avait quitté son fauteuil roulant, il marchait avec une béquille qui semblait ne servir à rien mais je me retiens de lui en faire part.

Il semblait aller bien pour quelqu'un qui s'était fait percuter par une voiture et qui avait fait trois semaines de coma. Il souriait comme un enfant devant son cadeau de Noël.

- J'ai apporté ça, annonça-t-il en sortant deux consoles de jeu de son sac à dos. J'ai pensé que ça pourrait être sympa.

- C'est pas une mauvaise idée, approuva ma sœur.

Ce type était sympa. Mais quelque chose me dérangeait.

J'étais jaloux, je le savais. Parce que pendant que j'étais loin d'Emma, c'était lui et l'autre blond qui s'occupait de Ma Reine.

Ma sœur s'assit à ma droite. Elle me balança un coup de coude dans les côtes.

- Arrête de bouder espèce de gosse insupportable. Mets ta putain de jalousie de côté, ça va être sympa tu verras.

Je grognai.

La sonnette retentit une seconde fois.

Je tournai la tête vers Emma. La lumière qui s'alluma dans ses yeux me serra le cœur.

La jeune fille se leva précipitamment, ouvrit la porte. Je ne le vis pas tout de suite, je ne l'entendis pas non plus.

Par-dessus la discussion de ma sœur et Noah, j'entendis des murmures, deux minutes plus tard, ils entrèrent dans mon champ de vision. Emma, et ce petit blond qui avait dormit près d'elle.

- Salut, nous salua-t-il.

Je ne pus m'empêcher de le fixer, lui, ses yeux bleus malicieux et son sourire parfait.

Je sentis le regard d'Emma sur moi. Je lui offris mon plus beau sourire, même si je savais qu'elle n'était pas dupe.

Et puis la soirée devint étrangement agréable. Honnêtement, je ne pensais pas tenir plus de deux heure avec ces deux garçons sorties de nulle part, alors même que j'étais très sociable. Simplement, je pensais que ma jalousie allait m'étouffer et que la simple vue de ces mecs me donnerait la nausée.

Ça ne se passa pas du tout comme je l'avais imaginé.

Après s'être présenté et avoir parlé pendant un moment, Noah avait décrété qu'il était l'heure de s'amuser et m'avait fourré une console dans les mains. Thaïs avait allumé la télé, et la maison sans vie d'Emma s'était transformée en karaoké.

Je n'avais jamais vu les filles se lâcher comme ça. Elles dansaient, chantaient, criaient sous les yeux amusés de Sam. Moi, je jouais contre Noah comme si ma vie en dépendait, mais bordel qu'est-ce que je riais.

Puis Sam avait remplacé Noah, et là j'avais encore plus ris. Ce mec était le pire joueur de jeu vidéo que je n'ai jamais vu. Et le plus grand râleur aussi ! Petit à petit, les filles s'étaient calmées, et la soirée était passée à un autre stade.

Emma avait sorti les jeux de société et le calme était revenu. Calme, ponctué d'éclats de rire et de protestations.

Le téléphone de Sam avait sonné, on s'était tu sans pour autant s'arrêter de jouer, puis il avait blanchi.

- Allô ?

Emma lui avait jeté un regard anxieux.

- Quoi ?

Elle avait froncé les sourcils.

- J'arrive tout de suite.

Elle s'était levée à sa suite.

J'avais vu Sam enfiler ses chaussures à la hâte, jeter son manteau sur ses épaules. J'avais vu Emma lui attraper le bras. J'avais vu son visage se décomposer. J'avais vu la jeune fille se précipiter dans sa chambre, revenir vers nous. Sam était sorti de la maison.

Emma m'avait lancé les clés de la voiture de sa mère puis mon manteau.

- Emmène-nous à l'hôpital Danette. Tout de suite !

Sa voix avait été tellement pressante que j'avais obéi sans réfléchir. Thaïs avait posé une question, Emma avait répondu. Sa voix avait claqué dans le silence angoissé de la maison.

- Son frère est en train de mourir.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant