39.Emma

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Le samedi était arrivé tranquillement, Thaïs s'était débarrassée de ses devoir dans la matinée et avait annoncé que je serai sa seule préoccupation pour les deux semaines à venir. Nous étions seules entre filles. C'était le moment idéal, et cette fois-ci, rien ne viendrait déranger mon récit.

Nous étions dans la cuisine, Thaïs s'apprêtait à sortir des gâteaux pour le goûter quand je me décidai enfin.

- Thaïs, il faut que je te parle.

Ma meilleure amie tourna la tête vers moi et s'adossa à la table de la cuisine.

Jordan s'était enfermé dans sa chambre une demi-heure plus tôt pour se concentrer sur ses devoirs. J'avais le champ libre.

- Je savais que tu me cachais quelque chose, sourit-elle. Va-si, je t'écoute.

Je pris une grande inspiration et rassemblai tout le courage que je pus avant de me lancer.

- Tout d'abord, saches qu'il y a vraiment beaucoup de choses à dire. J'aimerai que tu t'asseyes, ce ne sont pas vraiment de bonnes nouvelles.

La belle brune me lança un regard inquiet avant d'obtempérer.

- Thaïs, je sais que ça va être dur pour toi d'entendre tout ce que j'ai à te dire alors...

- Arrête de tourner autour du pot Emma, quoi qu'il arrive, tu sais que je ne t'abandonnerai pas. Alors va-si, lances-toi.

Je hochai la tête et bloquai ma respiration.

- Mon père nous frappe, lâchais-je en relâchant mon souffle.

J'eus l'impression qu'un poids au moins aussi lourd qu'un éléphant quittait mes épaules. Je l'avais dit. Je l'avais vraiment dit !!

Le visage de Thaïs se décomposa. Elle passa du rouge au blanc en un quart de secondes, voulut se lever, renonça, puis finalement, s'approcha doucement de moi.

Je la repoussai gentiment.

- Je n'ai pas fini. Ecoutes la suite avant de me dire que tu es désolée et de me prendre dans tes bras d'accord ? demandai-je en souriant légèrement.

La brune hocha la tête et se rassit.

- En fait, il nous frappe depuis le début. Depuis que je suis petite, bien avant que Lucas ne disparaisse.

Ma gorge se serra. Ma meilleure amie posait sur moi des yeux à la fois bienveillants et horrifiés, attendant la suite en silence.

- Il boit. Il ne fait que ça. Et quand il sort de sa transe alcoolique, il s'énerve pour un rien et frappe tout ce qui bouge. Ma mère dit qu'il a toujours été colérique, mais qu'il ne l'avait jamais frappé. Apparemment, il s'est mis à boire autant après ma naissance, et depuis, il est devenu incontrôlable.

Mes mains tremblaient, j'avais des larmes plein les yeux, mais je les ravalais. Ce n'était pas le moment de pleurer, je devais finir mon récit avant de m'autoriser un débordement d'émotions.

- On a bien essayé au début, de lui confisquer son alcool mais... ça ne faisait que le rendre encore plus fou de rage. On a voulu lui parler, le raisonner, la discussion s'est systématiquement achevée dans les larmes et la douleur. Alors on s'est résignés. On vit au bon vouloir de son altesse mon cinglé de père. On lui sert de punching-ball quand il s'énervait, et on se faisait le plus petit possible quand il était à peu près calme.

Lorsque je levai les yeux vers le visage de ma meilleure amie, il était plein de larmes. Les billes d'eau salée dévalaient son visage comme un enfant dévale une pente à vélo. Mais elle pleurait en silence, avec respect.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant