59.Emma

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Cela faisait deux semaines que Noah était dans le coma. Deux semaines que mon espoir mourait à petit feu.

Je n'avais revu Samuel qu'une seule fois, deux jours après l'accident, et je n'avais fait que lui parler de Lucas. Ça m'avait soulagé de pouvoir enfin parler de mon frère à quelqu'un, et Sam semblait réellement intéressé par ce que je disais.

Le jour suivant l'accident, j'avais été présenté mes excuses à la famille de Noah, je leur avais tout expliqué, et ils m'avaient pardonnée. Je ne savais comment, mais ces gens avaient tiré une croix sur le fait que ce soit de ma faute si Noah était dans le coma, et ils m'avaient acceptée comme si je faisais partie de leur famille.

J'avais appris à les connaitre, et maintenant, j'apprenais à m'occuper d'eux. Je me levais plus tôt le matin pour me rendre chez eux et aider Louann à se préparer. Je faisais leurs courses, leur ménage. Je passais mes soirées avec eux pour leur changer les idées, je les accompagnais à l'hôpital. J'avais même repris le job de Noah à la librairie, j'encaissai son salaire à sa place et je le versai à sa mère.

Je pensai Noah, je mangeai Noah et je dormais Noah. J'avais décidé de dédier ma vie à sa famille jusqu'à ce qu'il se réveille. Après tout c'était ma faute s'il était dans le coma, je leur devais bien ça.

Pourtant chaque jour qui passait, j'avais un peu plus de mal à faire semblant. La vérité, c'était que mon espoir était devenu si maigre, que j'avais l'impression qu'il s'effritait sous mes doigts.

Louann était un adolescent absolument super qui réussissait à vivre malgré son handicap et qui ne se laissait pas abattre. Je m'étais beaucoup attachée à lui. C'était un garçon génial, il ne méritait pas de souffrir autant. Quant à sa mère – je ne pouvais me résoudre à l'appeler par son prénom – elle était une femme d'une extrême bienveillance. Dès le début elle avait essayé de m'ôter le poids de ma culpabilité, elle avait passé des heures à me dire que ce n'était pas de ma faute, que je ne pouvais rien y faire, que le destin l'avait décidé ainsi et que je n'y étais pour rien. Cette femme était adorable, et je m'en voulais de ne pas être capable de garder espoir. Parce qu'eux ne pensaient qu'au réveil de Noah.

Ne serait-ce que pour eux, j'aurais dû continuer à croire qu'il allait se réveiller et que tout allait bien se passer. Mais je connaissais ce genre d'accident, et Lucas ne s'était jamais réveillé lui, alors pourquoi Noah ?

Je savais que je n'aurais pas dû penser comme ça, mais c'était plus fort que moi. Quand je m'efforçais de penser autrement, ma conscience me murmurait ces mots et chassait mes nouveaux espoirs.

J'avais de plus en plus de mal à faire semblant devant eux. Voir leurs mines déconfites et leurs yeux tristes me brisait le cœur, mais je n'y arrivais pas. Je n'y arrivais plus.

Ça faisait deux semaines que Noah était dans le coma. Deux semaines que je ne dormais presque plus. Deux semaines que j'étais hanté par ce même cauchemar que j'avais vécu dans sa chambre d'hôpital. Deux semaines que je me tuais à la tâche pour aider sa famille du mieux que je le pouvais. Mon corps commençait à lâcher, et mon esprit aussi.

Je dormais en cours et multipliai les heures de colles à cause de mon manque de sommeil. Je rendais copie blanche à chaque contrôle. Ma moyenne déjà très basse était encore descendue. Le seul point positif, c'était que j'avais une excuse pour rester loin de mon père.

Ma mère était au courant. Elle participait d'ailleurs à l'aide que j'apportai aux Boujet. Parfois quand je ne tenais plus le coup, elle faisait leurs courses ou bien le ménage à ma place.

Lorsque j'étais rentrée le soir de l'accident, je n'avais pas pu retenir mes larmes en voyant ma mère et, barricadées dans sa chambre, nous avions parlé longtemps avant que je ne m'endorme dans son lit.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant