20.Isaac

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Pas moyen de le joindre. Il commençait à me taper sur le système ce gosse. 17 ans, toujours collé à son portable, et il arrivait quand même à ne jamais répondre au téléphone. Je finis par abandonner. Il rappellerait.

Je regardai à gauche, puis à droite et encore à gauche avant de traverser la route. J'entrai dans la boutique et marchai entre les rayons. On m'avait chargé d'acheter le livre « Toutes mes pensées mènent à toi », apparemment c'était bien, enfin je n'aimais pas trop lire. De toute façon, il n'était pas pour moi. Je ressortis quinze minutes plus tard, le bouquin sous le bras. Ça, c'était fait.

Mon téléphone sonna quand je m'apprêtai à descendre du bus. Il m'avait rappelé ! Hourra !

- Dis-moi ça t'arrives de répondre au téléphone ?

- Si c'est pour m'engueuler c'est pas la peine, grogna-t-il.

- Non, raccroche pas, c'est important. Je dois te voir.

- Tu peux pas attendre d'être rentré à la maison ? insista-t-il.

- Non, rejoins-moi au terrain de sport.

- J'arrive, accepta-t-il sans négocier.

Je raccrochai. Le stress monta en même temps que je parcourais la distance qui me séparait du lieu de rendez-vous. Comment allait-il réagir ? Tant pis, je n'avais plus le choix. Rien ne servait de tergiverser, il allait arriver dans une dizaine de minutes.

Je m'accoudais à la rambarde d'un vieux terrain de foot qui faisait face aux vestiaires délabrés.

Je tournai la tête et le regardai arriver. Les cheveux en bataille, son jogging lui tombant sur les hanches, son pull rouge enfilé négligemment. Il était beau mon frère. Et il me rendait fier.

Arrivé à ma hauteur il retira ses écouteurs et me fixa avec un regard interrogateur.

- Qu'est-ce qu'il y a de si important pour que tu me fasses déplacer ? demanda-t-il.

- Faut que je te parle.

- Oula, tu me fais peur Is'.

- Mais non. Suis-moi.

En réalité si, il avait largement de quoi s'inquiéter.

Je passai devant lui et m'adossai au mur plein de graffitis des vestiaires. Je laissai ma tête reposer en arrière contre le mur et cherchai quelque part en moi le courage de parler.

Je le sentis s'assoir tout près de moi.

Je savais qu'il avait compris que quelque chose n'allait pas. C'était toujours ici que je l'emmenais quand je voulais lui parler sérieusement. Je relevai la tête. Il regardait le terrain avec les yeux vides. C'était une des seules choses que je regrettai, ne pas avoir su le protéger de mes parents malsains, ne pas pouvoir rendre à ses yeux le bonheur qu'ils devraient contenir.

Et je me lançai.

- Samy. Je suis malade.

Il me répondit sans détourner la tête.

- J'ai toujours su que c'était pas net là-haut, plaisanta-t-il.

- Je suis sérieux Samy. Je suis vraiment malade, insistai-je, et je sentis la panique monter en lui.

- Malade ? Comment ça malade ? T'as la grippe ? Honnêtement je suis pas certain que ce soit important au point de me faire déplacer, dit-il dans un sourire crispé.

- J'ai un cancer Samy. Un cancer des poumons.

Il se retourna brusquement, les yeux écarquillés.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant