4.Noah

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J'attendais dans la salle de l'infirmerie depuis maintenant vingt minutes. Quand j'avais vue Emma tituber au milieu des élèves qui ne s'en souciaient pas le moindre du monde, je m'étais senti obligé d'aller l'aider. Même si elle n'en semblait pas ravie...

J'étais en train de louper mon deuxième cours, et je ne pensais pas que c'était une très bonne idée de sécher dès le premier jour.

Une porte s'ouvrit à ma droite, interrompant mes pensées. Emma ressortie suivie d'une petite bonne femme aux cheveux blancs. Je me levai et la petite femme m'adressa un léger sourire avant de se renfermée dans son bureau. Emma sortit de la salle, sans m'adresser un seul mot. Je la rattrapai en courant.

- Oh, tu vas où comme ça !? l'apostrophai-je

- Là où tu me laisseras tranquille, bougonna-t-elle.

- Je dois le prendre comment ?

- Comme tu veux.

- Emma.

- Mmmh ?

- Où vas-tu ?

- En salle de repos, s'agaça-t-elle. Ça te va ?

- En salle de repos ?

- Oui.

Je continuai de la suivre sans savoir où. Elle marchait vite et tremblait comme une feuille, mais ses pas étaient assurés. Nous atteignîmes très vite une grande porte en acier au fond de la cour déserte. Tous les élèves étaient en cours. Tous, sauf nous.

La petite blondinette devant moi poussa la porte et entra à l'intérieur. La salle était grande. Plusieurs tables occupaient l'espace central, une énorme bibliothèque couvrait entièrement le mur du fond et quelques tableaux ornaient les autres murs. A part ça, la pièce était vide. Nous étions les seuls présents. Elle avança vers le fond de la salle et s'assit dans un petit fauteuil mauve tout près de la grande bibliothèque en bois.

- Tiens, tu es encore là toi ?

- Ben, euh, oui.

Elle soupira mais ne dit rien. Je pris place sur un deuxième fauteuil rose pâle en face d'elle. Elle sortit un livre de son sac et commença à lire, comme si je n'existais pas.

Je la dévisageai, perplexe. Cette fille n'était vraiment pas comme les autres.

Je me levai et scrutai les étagères croulant sous le poids des livres rangés par ordre alphabétique. Finalement, je reportai mon attention sur la jolie jeune fille assise en face de moi. Je me risquai à tenter une approche.

- Tu vas mieux ?

Emma leva les yeux de son livre et hocha la tête doucement.

- C'était quoi ?

- Migraine.

- Ça t'arrive souvent ?

- Assez.

Cette discussion ne menait à rien. J'avais l'impression de parler à un mur. Elle se replongea dans son roman. Je décidai de m'aventurer un peu plus loin.

- Pourquoi les autres ne faisaient rien ?

- Parce qu'ils n'en ont rien à faire.

- Mais, ça se voyait que tu n'étais pas bien, ils auraient dû réagirent, m'indignai-je.

- Écoute-moi bien Mister Bouclettes, les gens de ce lycée, s'en foutent complètement de moi et je me fous complètement d'eux. Ils ne m'aiment pas, et ce depuis toujours. Alors ils n'ont aucune raison de venir m'aider.

- Mais pourquoi ? insistai-je. Qu'est-ce qui les a poussés à te détester à ce point ?!

Emma se raidie et son visage se ferma, le rouge lui monta aux joues son regard devint glacial et sa voix se fit froide. La jeune fille avait retrouvé le visage qu'elle arborait le jour de notre première rencontre.

- Écoute-moi bien le nouveau. Tu n'as aucunes raisons de connaitre cette histoire, et si tu veux la connaitre demandes à Manon elle se fera une joie de te répondre.

- Mais...

- Tais-toi ! Et si tu n'en es pas capable sors, ordonna-t-elle.

Je restai muet. Stupéfait par le changement d'humeur que mes paroles avaient provoqué chez elle.

Elle avait refermé son livre et marchait désormais dans la salle en zigzagant autour des tables en bois. Elle ouvrait et fermait les yeux en respirant par la bouche. Elle s'était mise dans un état de stress que je n'avais jamais vu auparavant. Je ne comprenais rien. Ce n'était pas un peu excessif comme réaction ?

Je m'approchai d'elle doucement et je posai ma main sur son bras. Elle me repoussa violement et j'aperçus son visage plein de larmes.

- Emma, je suis désolé, je ne voulais pas te faire pleurer.

La petite blonde se figea devant moi, les yeux écarquillés, le souffle coupé, la bouche entrouverte. Je m'approchai et la serrai dans mes bras, elle me repoussa en hurlant.

- Va-t'en ! Je – je ne veux plus te voir !

Sa voix tremblait, son visage était inondé de larmes. Je reculai doucement en murmurant un « pourquoi » presque inaudible. On aurait dit qu'elle venait d'apercevoir le Diable en moi et qu'elle l'éloignait le plus possible.

- Emma je suis là, je ne te veux aucun mal, je veux t'aider...

- Je n'ai pas besoin d'aide ! Va-t'en ! Sors de cette pièce !

- Comme tu voudras, murmurai-je.

Je me retournai et sortis dans la cour. Le vent était frais. Je m'assis derrière un mur de façon à ne pas être vu par les surveillants, et j'allumai une cigarette. Pourquoi avait-elle eu un comportement si étrange ? Je ne lui avais pourtant rien fait de mal.

Je recrachai la fumée blanche qui forma un petit nuage dans l'air froid de novembre. Qu'est-ce que j'avais dit pour qu'elle change à ce point ? Je ne comprenais plus rien. Cette jolie fille, si gentille - même si elle ne me l'avait pas encore montrée pour l'instant – était peut-être dérangée finalement ? Et puis, la façon dont Manon parlait d'elle...

Elle semblait pour tout dire, malaimée. Tout ça ne collait pas. Et c'était pourtant la vérité. Pourquoi ? C'était la question que je me posai, que je lui avais posée, qui avait déclenché ce changement radical. Je ne voulais pas connaitre la réponse par Manon. C'était mon premier jour dans ce lycée pourtant je savais déjà que c'était une peste, et les pestes avaient tendance à déformer la vérité.

Non, je voulais que ce soit Emma qui me le dise. Qu'elle se confie, ce qui n'était apparemment pas quelque chose qu'elle avait l'habitude de faire. Cette fille était comme un défi.

Je recrachai la fumée de ma cigarette et l'écrasai par terre.

J'adorai relever les défis.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant