34.Emma

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Nous étions assises sur son lit à nous raconter nos vies dans les moindres détails. Thaïs était adossée à la tête, les jambes repliées sur sa poitrine, les enserrant de ses bras. J'étais installée en tailleur sur le bout et jouais avec un bout de sa couverture en l'écoutant parler.

Sa voix était apaisante, douce, calme, rassurante. Elle m'évoquait le bruit des vagues d'une mer sans turbulences, fragile en apparence et pourtant si forte.

Moi, je ne disais rien. Je n'avais rien à dire. Rien qui n'était pas une mauvaise nouvelle. Je cherchai au fond de moi le courage de lui avouer tous les récents évènements. La force de lui raconter toutes les folies de mon père, toutes les pensées sombres qui peuplaient mon esprit. Sans parvenir à trouver l'un ou l'autre.

Thaïs savait tout ce qu'il s'était passé. Elle connaissait chaque détail du drame qui avait chamboulé mon enfance. Alors pourquoi était-ce si difficile de lui confier à quel point ma vie me pesait ?

Je levai la tête et mon regard se posa sur les photos fixées au mur. J'étais sur beaucoup d'entre elles. Thaïs et moi dans un parc d'attraction, Thaïs et moi au cinéma, Thaïs et moi à la plage, au parc, en ville... Mes yeux se posaient sur chaque photos une par une. Une photo, un souvenir. Une photo, un bon moment. Je passai d'une photo à l'autre, avide de souvenirs, jusqu'à tomber sur celle que je préférai.

Nous nous tenions dans le jardin des Minbar, devant leur vieille balançoire pleine de rouille. J'apparaissais sur le dos de Danette, Thaïs se tenant juste à côté, ma main dans la sienne. Nos sourires étaient si beaux, si fragiles, si...heureux.

Je me souvenais de ce moment comme si c'était hier. C'était ce jour-là que j'avais donné son surnom à Jordi.

Passé.

- Aller Thaïs, fais de la balançoire avec nous. S'il te plaiiiiiiiit !

Jordan était à genoux aux pieds de sa sœur, les mains jointes juste devant sa poitrine, la fixant de ses grands yeux noisette dans un espoir vain de la convaincre.

- J'ai dit non Jordi. Je n'ai pas envie. Vous pouvez en faire sans moi enfin ! s'exaspéra sa sœur.

J'observai la scène depuis la balançoire, les mains serrées sur les cordes. Le beau brun en faisait trop, comme d'habitude. Il avait des tendances à l'exagération assez hilarantes. Il aimait tout transformer en histoire mélodramatique, et moi j'aimais à croire qu'il faisait cela exprès car il savait que ça me faisait mourir de rire.

- Eh, Jordan.

Les jumeaux se tournèrent vers moi comme un seul être. L'intéressé posa ses yeux sur mon visage avec cette expression qu'il ne réservait qu'à moi. Et qui me faisait fondre.

J'adorai sa façon de s'adoucir quand il me voyait, ce relâchement presque imperceptible sur son visage. Ses yeux s'arrondissaient et ses traits se détendaient, mais ce qui faisait rougir mes joues à chaque fois, c'était le léger sourire qui étirait ses lèvres quand il me parlait et cette chaleur qui prenait possession de ses yeux quand il les posait sur moi.

Autrefois, j'aurai pris cela pour de la pitié, et je l'aurai détesté d'avoir pitié de moi. Mais je savais que cet air sur lui signifiait juste de la compréhension, et secrètement j'espérai qu'il reflète aussi d'autres sentiments plus intenses que de l'amitié.

- A partir d'aujourd'hui, je t'appellerai Danette.

Ses sourcils se levèrent tandis que sa sœur éclatait de rire.

- Danette, comme le yaourt ? demanda-t-elle, hilare.

- Ouaip, dis-je avec un grand sourire.

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant