10.Emma

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Je refermai la porte derrière moi, me déchaussai et laissai mon manteau sur une chaise du salon avant de m'affaler sur le canapé.

Hier, après avoir repris mes esprits, j'avais bu ma boisson cul sec et j'étais sortie du café. J'avais déambulé pendant environ un quart d'heure avant de trouver un endroit isolé où je m'étais installée pour faire mes devoirs.

Je connaissais Chattam comme ma poche, pourtant je m'étonnai encore de découvrir des endroits reculés comme le lac. Cette ville était une perpétuelle aventure, un mystère continu.

Puis vers 13h je m'étais résignée à rentrer, en évitant la pluie de justesse. Ça avait été une journée éprouvante.

Mais aujourd'hui était un autre jour !

Il était midi quand je m'étais réveillée. Mon réveil avait bien sonné ce matin, mais j'avais décidé de l'ignorer. Sécher les cours, ça n'avait jamais fait de mal à personne. De toute façon ma moyenne avait déjà touché le fond, mon travail en cours était inexistant et ma mère ne dirait rien.

J'allumai la télé et regardai les informations. Ça devait bien faire trois semaines que je n'avais pas suivi l'actu - même si je doutai fortement qu'il se soit passé quelque chose de très intéressant. Aussitôt une jeune femme coiffée d'un gros chignon très élaboré apparut à l'écran un micro à la main. Elle débita à une vitesse folle les gros titres de l'actualité. Puis des images en tout genre défilèrent sur l'écran. J'écoutai les journalistes sans trop d'attention, j'avais comme l'impression d'avoir déjà vu ces images.

Sauf que la voiture n'avait rien, et que quelqu'un était allongé sur la route juste en face de cette maudite bagnole, le corps en sang.

Sauf que dans mes souvenirs, ce n'était pas un accident de voiture, mais quelqu'un qui s'était fait percuter.

Soudain l'image changea, revint sur la présentatrice et son énorme chignon, puis une voiture en flamme apparut. Le reportage retint mon attention. C'était un accident de voiture, je l'avais compris, ce que j'attendais surtout, c'était de savoir s'il y avait des morts ou des blessés. Le journaliste sur place raconta le gros de l'accident, puis énonça les faits qui m'intéressaient. Je retins ma respiration sans m'en rendre compte.

- Il y avait quatre personnes dans la voiture lors de l'accident. Les deux adultes présents ont été blessés, heureusement ce n'est que superficiel. Les deux enfants à l'arrière du véhicule s'en sont sortis indemnes.

Je soufflai. Rien de très grave, du moins sur le point physique. Cet accident promettait sûrement un gros traumatisme chez les deux enfants et peut être aussi chez les adultes.

Je me levai en même temps que la porte claquait. La tête blonde de ma mère apparut dans mon champ de vision. Elle me sourit à pleines dents.

- Ça va chérie ?

Je lui répondis d'un hochement de tête. Pourquoi était-elle si joyeuse ? Pour la millième fois depuis le départ de mon père, je me posai une question, la même question. Au moment où les mots s'apprêtaient à franchir la barrière de mes lèvres, je les ravalai et lançai :

- Pourquoi tu es si tôt ? Tu finis plus tard d'habitude.

- C'est calme aujourd'hui à l'hôpital, j'ai demandé une permission et ils me l'ont accordée. Pour dire vrai, ils ne pouvaient pas vraiment refuser vu comment mes dernières vacances remontent à loin, sourit-elle.

- Cool.

Ma mère déposa ses affaires sur la table du salon, fila sous la douche. Je vis la porte bleue se refermer derrière son corps fragilisé par les coups et les années. Au moment où j'allais rallumer la télé, sa voix s'éleva de la salle de bain :

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant