La psychologue entra dans ma chambre un grand bloc-notes à la main. Elle semblait âgée et coincée dans son tailleur sans doute trop petit pour elle. C'en était presque comique.
- Bonjour Noah. Je serais ta psychologue pendant toute la durée de ton séjour à l'hôpital. Je suis Madame Jonat.
- Bonjour. Je suppose que ça ne sert à rien que je me présente, soufflai-je.
Cette bonne femme me gonflait déjà, sa façon de parler laissait penser qu'elle était le genre de personne qui se croit au-dessus de tout le monde. Dans le genre première impression, on ne pouvait pas faire pire.
- Alors dis-moi, combien de temps es-tu resté dans le coma ? commença-t-elle.
Je vais bien, merci, et vous ? Je lui aurais bien répondu ça avec le ton le plus sarcastique que j'étais capable d'employer mais je me retins et répondis à sa question.
- Deux semaines et trois jours, enfin je crois.
- Raconte-moi ton accident, ordonna-t-elle.
- Ben, j'allais acheter des glaces et je me suis fait percuter.
La femme souffla en se passant la main sur le visage.
- Noah si tu ne coopères pas on ne va pas arriver à grand-chose, dit-elle d'un ton amer.
- Je ne me souviens que de ça.
- Tu n'as aucun souvenir d'avant que tu ne perdes connaissance ? questionna-t-elle.
- Je me souviens que je n'ai pas compris ce qu'il se passait. Je me souviens de la voix d'Emma qui me disait de rester conscient et puis pouf. Plus rien.
Madame Jonat hocha la tête en notant des choses sur ses feuilles blanches.
Je l'observai sans comprendre, je n'étais jamais allé voir de psy avant, en vérité je n'en avais jamais compris l'utilité.
- Le médecin m'a dit que tu avais vécu des choses pendant ton coma. Peux-tu me les décrire ?
Ce fut moi qui hochai la tête.
Je lui décrivis les bruits étranges, les monstres, le noir. Je lui décrivis la peur, l'impuissance, la solitude. Je lui décrivis le froid, les frissons, la voix de mon frère.
Elle ne dit rien. Elle m'écouta parler jusqu'au point final de mon récit. Et quand j'eus fini, elle releva vers moi des yeux atrocement inexpressifs.
Je m'étais toujours imaginé les psychologues comme des personnes avec une grande empathie, capable de rassurer ou de consoler n'importe qui. Apparemment, mon idée était fausse.
- Et c'est tout ? Vous n'avez pas vu de formes distinctes, de visages connus ou ce genre de chose ?
- Non. Tout était flou.
- D'accord, dit-elle d'un ton qui me parut presque déçu.
- Dîtes, vous ne pourriez pas montrer un minimum d'intérêt à ce que je dis ? intervins-je.
La femme releva vivement la tête, une expression outrée sur le visage.
- Pardon ? s'exclama-t-elle.
- Vous n'en avez rien à faire de ce que je raconte. Même un aveugle le verrait, continuai-je.
- C'est mon métier de garder une expression neutre jeune homme.
- Est-ce que ça fait aussi partie de votre métier de minimiser les expériences de vos patients ? demandai-je, insolent au possible.
- Je n'ai jamais minimisé vos dires, se défendit-elle.
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Les Fantômes de Nos Passés
Teen FictionIl y a Emma, jeune fille harcelée à la carapace solide. Il y a Samuel, garçon joyeux à la vie compliquée. Et il y a Noah, jeune homme hanté par son passé. Trois jeunes gens au besoin criant d'aide. Trois jeunes gens avec un lien étroit. Mais le jou...