Les Fantômes de Nos Passés

30.Thaïs

J'entrai dans la gare déserte de Mittles, m'assis sur un banc face aux chemins de fer, ouvris mon cahier de sciences politiques.

Bip.

« Je me suis trompé de train...

Je m'en doutais, tu n'es pas capable de prendre le train sans te tromper !

Je vais avoir que dix minutes de retard, je m'en suis rendue compte assez tôt. »

Je souris. Quelle maladroite ! Elle me faisait rire.

« Désolée :/

C'est pas grave. »

Je m'installai plus confortablement contre le dossier du banc et commençai à réviser.

Rien n'était plus déprimant que les sciences politiques. Pourquoi j'avais choisi ça comme spécialité déjà ? Parfois je me demandais vraiment ce qui clochait dans ma tête.

Mon téléphone vibra une nouvelle fois.

« Tu me feras un chocolat chaud en arrivant ? J'ai vachement envie d'un chocolat chaud. En plus, les tiens sont les meilleurs.

Oui, si tu veux.

COOOOOL ! T'es la meilleure ! J »

Emma ne semblait pas décidée à me laisser réviser en paix. Tant mieux, je n'avais pas envie de réviser.

En parlant d'Emma, je me demandais vraiment pourquoi elle venait chez nous. Tout simplement pour me voir vous me direz, mais je connaissais Emma, et elle ne laissait – pour une raison qui m'était inconnue – jamais sa mère seule plus de deux jours. Alors qu'elle venait pour plus de deux semaines. Il y avait quelque chose qui clochait, et mon sixième sens me chuchotait que ce quelque chose était plus grave que ce que je m'imaginais.

Bip.

« Tu savais qu'un requin peut avoir de 190 à 1014 dents ? C'est ouf !!

...

J'ai vu ça sur les réseaux sociaux, me juge pas je m'ennuie...

Je ne te juge pas !

Menteuse, je vois d'ici ton sourcil levé et ta bouche en coin !

:o

Cramée...

Je te connais trop bien ahah »

C'est vrai qu'elle me connaissait bien, mais je la connaissais bien moi aussi, et elle me cachait quelque chose ! J'en étais certaine !

Le bruit du train me tira de mes réflexions. Je levai le nez de mon portable et regardai la locomotive ralentir à mon niveau.

Les portes s'ouvrirent et les gens sortirent petit à petit me donnant l'illusion que le train vomissait toutes ces têtes et ces corps qui se bousculaient.

Je scrutai la foule à la recherche de la petite tête blonde de ma personne préférée mais ce fut elle qui me trouva en première.

Elle me fit de grands signes avec ses bras en s'avançant vers moi. Elle paraissait minuscule dans son jean large noir et son gros pull bleu marine. Emma retira ses écouteurs en arrivant à mon niveau et m'adressa le plus beau des sourires.

- Coucou toi !

Je la pris dans mes bras dans une étreinte attendue depuis longtemps en prenant garde de ne pas trop écraser son bras plâtré. Elle m'avait manquée cette petite tête.

- Tu m'étouffes...

- Désolé, dis-je en relâchant mon étreinte.

Elle me sourit une nouvelle fois, et nous prîmes ensemble la direction de la sortie.