Les Fantômes de Nos Passés

5.Emma

J'avais les yeux rouges, le visage en feu, le cœur démoli, le cerveau en vrac. Je réalisai ce que je venais de dire à Noah, et ma honte redoubla. Encore un qui allait changer d'avis sur moi. Un de plus à se moquer. Je me rassis dans le fauteuil mauve que j'occupais quelques minutes plus tôt. Je pris mon visage entre mes mains et je me concentrai sur ma respiration.

Thaïs. Je devais appeler Thaïs.

J'activai la vidéo face-time et j'attendis qu'elle décroche.

- Allô ?

- Thaïs ?

- Emma, tu sais très bien que je préfère que tu m'appelle le soir, tu as de la chance que je sois en pause, me gronda-t-elle gentiment.

- Oui, pardon...

- Mais, tu pleures ? Emma qu'est-ce qu'il y a ?! s'écria-t-elle.

- J'ai – j'ai recommencé.

- Emma, enfin ce n'est pas grave, je sais que ça fait peur mais faut pas te mettre dans tous ces états ma belle.

- Non Thaïs, c'était, encore plus horrible !

- Raconte-moi, m'ordonna-t-elle d'un ton calme.

- J'étais avec le nouveau quand c'est arrivé, sanglotai-je.

- Qu'est-ce qui l'a déclenché ?

- Il a posé des questions, il m'a demandé pourquoi personne ne m'aime. Et, ça m'a pris comme ça. La panique est montée, et je me suis mise à crier, à pleurer, il a essayé de me consoler, il m'a dit « Emma je suis désolé, je ne voulais pas te faire pleurer. »

- Oh...

Ma meilleure amie ouvrit de grands yeux en comprenant le sens de cette phrase et elle mit quelques secondes pour refermer la bouche. Elle allait reprendre la parole mais je ne lui en laissais pas le temps.

- Je l'ai vu Thaïs. J'ai revu Lucas en lui !

J'avais hurlé et de grosses perles se mirent à couler le long de mon visage. Mes larmes salées dévorant mes joues, Thaïs me parlait, mais je ne l'écoutais plus. Je lâchai mon portable et je pris ma tête entre mes mains. Elle ne pleurait pas, elle se mordait la lèvre jusqu'au sang, ressentant ma douleur à travers l'écran de son téléphone.

Des centaines de souvenirs me traversaient l'esprit, les remords m'envahissaient et je tombai à genoux en hurlant de douleur. Soudain la porte s'ouvrit à la volée et Noah apparut dans l'embrasure, le visage paniqué.

Il avait dû entendre mes cris. Il fonça vers moi et me demanda ce qu'il m'arrivait. A l'écran Thaïs s'était tue. Observant la scène, les yeux étrangement secs. J'avais arrêté de hurler mais les perles qui roulaient sur mes joues ne s'arrêtaient pas de couler, tombant sur le sol dans de petits bruits sourds.

Noah me parlait, mais je n'entendais rien. Tout était flou, les sons me revenaient étouffés par le bruit de mon cœur qui battait contre ma poitrine, par les larmes qui coulaient sur mes joues, par la douleur qui sifflait à mes oreilles. Il me prit dans ses bras. Je n'avais plus la force de résister, je m'accrochai donc à lui comme à une bouée de sauvetage. Je pleurai encore et encore sans pouvoir m'arrêter. Plusieurs fois je tentai de me dégager de son étreinte mais ses bras me retenaient contre lui. Ma tête posée sur son torse je me sentais terriblement mal à l'aise pourtant cette attention me réchauffa tout de même un peu le cœur. J'avais presque oublié la tendresse de ce geste.

Quand il accepta enfin que je me détache de lui, le face-time avec Thaïs était coupé et mon téléphone était éteint.

Mes yeux étaient comme brulés, mon visage aussi rouge que si j'avais couru un marathon de vingt kilomètres, mes cheveux en bataille et ma fierté s'était volatilisé. Il me regardait comme un oisillon blessé tandis que moi, j'évitai son regard. Je me recoiffai brièvement et je passai une main sur mon visage.