72.Emma

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Du sang. Il y avait du sang partout. Sur le sol, sur mes mains, sur ses beaux cheveux blonds.

Des larmes aussi, des larmes il y en avait par millier. Elles coulaient, glissaient, elles piquaient, ravageaient.

Et du bruit. Du bruit il y en avait dans ma tête, et derrière ma porte. Des cris de rage et des cris d'impuissance qui résonnaient dans mes pensées pour ne pas sortir de ma bouche.

Ça faisait longtemps pourtant, j'avais presque cru que c'était terminé.

J'étais restée dehors avec Sam, j'avais ris et souris comme je le faisais toujours quand j'étais avec lui. Je l'avais consolé, puis quand il s'était réveillé, on avait beaucoup parlé. Il faisait nuit quand il m'avait raccompagné, j'étais entrée dans la maison, le cœur gonflé d'un sentiment étrange qui m'accompagnait à chaque fois que j'étais avec lui, d'une peine immense pour nos chemins qui se ressemblaient tant et d'une joie qui m'avait manquée pendant toutes ces années.

Et j'avais déchanté.

Passé, vingt minutes plus tôt.

Mon sac tomba au sol avec un bruit sourd et je me précipitai sur lui sans réfléchir.

- Lâche-la ! hurlai-je.

Mon père tenait ma mère par les cheveux, son maigre corps à quelques centimètres au-dessus du parquet.

Je me jetai de tout mon poids sur l'homme de mes cauchemars, le faisant basculer avec moi. Je me relevai d'un bond et fonçai vers ma mère qui gisait inconsciente au sol, le corps contusionné et la tête en sang.

- Maman, maman, dis-je tout bas. Maman, réveille-toi ! Maman !

Ma mère ne bougea pas d'un cil. De grosses larmes se mirent à couler sur mes joues. Non, c'était impossible, elle ne pouvait pas être...

Le monstre derrière moi se releva en titubant. Je me retournai les yeux chargés d'une haine pure, violente et incontrôlable. Je me jetai sur lui en hurlant. Il m'arrêta d'un geste, attrapa mon bras, m'envoya valser contre le dossier du canapé. Je me relevai péniblement et regardai, complètement pétrifiée, ce géant moribond s'avancer d'un air menaçant vers moi.

- Je vais te tuer, siffla-t-il.

Et cette fois-ci, je n'avais aucun doute sur le fait que l'alcool n'influençait en rien ses paroles. Mon père m'avait toujours détesté, il avait juste mis un peu plus de temps que ce que je pensais pour passer à la vitesse supérieure. Il voulait me tuer, et je savais qu'il en était capable. Il voulait que je meure, et je savais qu'il ferait en sorte de ne pas louper son coup.

- J'aurais dû le faire il y a bien longtemps, j'aurais dû le faire quand tu m'as retiré les choses les plus importantes de ma vie ! rugit-il.

- Et qu'est-ce que je t'ai enlevé hein ?! répondis-je. Qu'est-ce que tu me reproche ?! D'être né ou de ne pas être encore morte sous tes coups ?! criai-je.

Les larmes redoublèrent sur mes joues. C'étaient peut-être mes derniers instants, au moins, je lui aurais dit tout ce que je pensais de lui.

- Tu m'as enlevé mon fils ! Tu as retourné ma femme contre moi ! A cause de toi j'ai perdu mon boulot ! Mon permis ! hurla-t-il, fou de rage.

- Alors comme ça tu regrettes ton défunt fils, sifflai-je. Toi qui n'as fait que rendre sa vie insupportable à chaque instant, tu regrettes ton fils ?! m'énervai-je de plus belle. Tu n'étais même pas là quand Lucas a poussé son dernier souffle ! Tu n'étais même pas présent à son enterrement ! ET TU OSES DIRE QUE TU REGRETTES TON FILS !!!!

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant