22.Noah

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Mon téléphone vibra sur la table de la cuisine.

- Noaaaaaah !

Je levai la tête vers l'étage supérieur. Mon frère était assis sur son fauteuil juste devant les escaliers. Il me regardait les bras chargés de vêtements sals.

- J'ai compris, soufflai-je.

Je me levai et montai les escaliers prêt à le porter pour descendre, mais il me fourra juste ses vêtements dans les bras en souriant.

- Remonte après j'en ai d'autre.

- Mais tu les laves jamais ou quoi ? m'agaçai-je. C'est pas possible d'avoir autant de vêtement à mettre à laver d'un coup.

- Arrête de râler et soit un gentil et docile grand-frère d'accord ?

Je grognai en lui obéissant. Parfois je me demandais si ce n'était pas plutôt lui le grand-frère, ou s'il ne profitait pas juste de sa situation pour me traiter comme un esclave de temps en temps. Après deux allers-retours jusqu'à la salle de bain, je descendis mon frère puis son fauteuil.

- Dis, il est épileptique ton téléphone ? demanda-t-il avec un sourire moqueur. Il a vibré trois fois en l'espace d'une seconde.

- Hilarant, dis-je en levant les yeux au ciel.

Je l'attrapai et vérifiai mes notifications, deux offres de boulot, un message de mon groupe de classe, et un message de Manon. Je haussai un sourcil en cliquant sur le dernier. Qu'est-ce qu'elle me voulait ?

- Est-ce qu'il reste des pommes ?

Je relus une seconde fois le message, puis une troisième. Ou pouvait-elle bien avoir trouvé cette conversation ? Qui était Rashel ? Qui était Lucas ? Pourquoi est-ce qu'Emma disait l'avoir tué ?

- Est-ce qu'il reste des pommes ?

Malgré toutes ces questions, certaines des pièces du puzzle se mettaient progressivement en place dans ma tête : les surnoms venaient de cette histoire. Le Lucas dont elle parlait, était le même que celui dont elle avait parlé le jour de sa crise.

- NOAH !

Je relevai la tête agacé.

- Quoi !?

- Pour la troisième fois, est-ce qu'il reste des pommes ?

- Ah, oui.

Je lui lançai une pomme rouge sang, et cette couleur fit naître des images dans ma tête que j'aurais préféré ne pas imaginer.

Du genre Emma poignardant un gars et du sang partout.

Non, il y avait forcément quelque chose que je comprenais mal. Emma était peut-être froide, peu démonstratrice, égoïste et aussi bavarde qu'une carpe, mais elle n'était surtout pas une tueuse. Et puis, où Manon avait-elle trouvé cette conversation ? A tous les coups c'était une photo modifiée.

Je n'y croyais pas une seule seconde.

Une colère sourde monta dans mon thorax. Manon. Elle ne perdait rien pour attendre celle-là.

C'était vrai qu'elle était méchante et prête à tout pour faire du mal aux gens – surtout à Emma d'ailleurs - mais de là à inventer une conversation pour faire croire au monde qu'Emma était une criminelle ! Ça va pas la tête !?

Mon téléphone se remit à vibrer dans ma main. Mon alarme pour un entretient. Mince, j'avais oublié !

Après avoir couru dans toute la maison pour me préparer, je sortis mon vélo et pédalai jusqu'à la librairie. Trois minutes de retard.

Et double mince.

Je poussai la porte du magasin, faisant doucement tinter la clochette. La femme à la caisse me dévisagea de la tête aux pieds, avisant mon tailleur à carreaux et ma chemise noire. Puis, comprenant qui j'étais, elle me sourit.

- Bienvenue. Vous devez être Noah je me trompe ? devina-t-elle.

- Bonjour, c'est bien moi.

- Vous venez pour l'entretien d'embauche ?

- C'est ça.

- Venez, suivez-moi, m'intima la gérante.

Elle se dirigea vers une porte renfoncée dans le fond de la boutique.

Elle était brune, les cheveux coupés courts et semblait plutôt jeune. Son sourire tranquille me mit immédiatement dans une agréable confiance.

Elle m'emmena dans un petit bureau plutôt simplet. Rien de bien important, juste un joli bureau de bois et deux chaises rigides qui semblaient très peu confortables.

Elle me fit signe de m'assoir, j'obéis.

- Je m'appelle Julie, se présenta-t-elle.

- Enchanté Julie.

Elle me sourit une nouvelle fois puis l'entretien commença.

Ce fut plus court que ce que j'imaginais. Elle tenait seule cette petite librairie et avait besoin de bras pour l'aider. C'était aussi simple que ça.

Après avoir parlé brièvement de ma situation, je lui racontais mes expériences des petits boulots et j'insistais bien sur le fait que j'étais encore au lycée et que je ne pouvais donc pas travailler en journée hormis pendant les vacances scolaires.

Julie m'écoutait avec beaucoup d'intérêt et je sentie la bienveillance dans son regard. Elle semblait comprendre ma situation et c'était pour cela que quand elle reprit la parole je ne fus pas très étonné de l'entendre dire qu'elle voulait bien de moi en tant qu'employé dans son magasin.

Une heure plus tard je ressortais de la librairie un contrat en main et un nouveau job plutôt sympa ajouté à la longue liste de tous ceux que j'avais effectués par le passé. Je n'avais qu'une hâte, c'était de l'annoncer à ma mère et mon frère.

Je repris mon vélo le sourire aux lèvres et tout ce qui ne concernait pas ce nouveau travail avait été éclipsé de mes pensées, y compris toute cette histoire avec Manon et Emma.

Je pédalais vite, j'aimais la sensation du vent fouettant mon visage et le frisson de sa froideur quand il s'insinuait sous mon tailleur. Alors que j'atteignais le milieu du pont, je m'arrêtais, ma curiosité piquée à vif devant cet attroupement de personnes qui chuchotaient.

Que se passait-il ? J'attachai mon vélo de l'autre côté de la route et traversai. Je me faufilai à travers les gens, puis je m'arrêtai net.

Je ne reconnus pas tout de suite la personne debout sur la balustrade devant moi. Mes ses intentions étaient claires. Elle voulait sauter. Ce fut en réalisant cela, que je me rendis compte de qui elle était.

Ces cheveux blonds coupés au carré, ces baskets Adidas blanches. Aucun doute possible.

Mais pourquoi ?

Je m'avançai pris de panique, et sortis du groupe. Je me précipitai dans sa direction.

Était-ce à cause de cette photo que j'avais reçue ? Ça ne m'avait pas traversé l'esprit, mais c'était vrai que Manon avait sûrement dû envoyer cette conversation à tout le lycée. Quelle garce.

Lorsque j'arrivai enfin à traverser l'attroupement, je ralentis la cadence pour ne pas l'effrayer. Je ne voulais surtout pas qu'elle tombe dans le vide à cause d'un sursaut. Je continuai à avancer et lorsqu'elle esquissa un faible mouvement de la main, je ne pus retenir mon cri.

- Emma !

Les Fantômes de Nos PassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant