Les Fantômes de Nos Passés

62.Emma

Après le passage de Samuel la semaine dernière, je m'étais écroulée comme une masse et j'avais dormi treize heures d'affilé. La conversation que nous avions eu tournait en boucle dans ma tête. Peut-être que j'avais été trop méchante. Après tout, Sam avait raison, j'avais tout délaissé pour être un maximum présente pour la famille de Noah.

Je l'avais peut-être jugé trop vite ce garçon finalement. Il avait beau avoir grandi très vite, il restait au fond l'enfant qu'il n'avait pas eu l'occasion d'être. Il remplaçait son manque d'enfance par une personnalité aux reflets de l'enfant qu'il aurait dû être. Je le comprenais, et d'un côté, je l'enviais moi qui n'avais jamais eu l'occasion de connaitre les délices d'une enfance normale et qui était devenue avec le temps, un véritable bloc de glace.

Mon téléphone s'agita sur mon bureau.

- Allô ?

- Emma ! Il s'est réveillé ! cria Louann dans le combiné.

- Quoi ? Vraiment !?

- On part à l'hôpital ! Rejoins-nous d'accord ?

- J'arrive, répondis-je.

Je mis fin à la communication et enfilai les premiers vêtements que je trouvai avant de sortir en courant de la maison. Sans réfléchir, j'envoyai un message à Sam pour lui apprendre la nouvelle. Ils ne se connaissaient pas très bien, mais j'avais bien vu le jour de l'accident, malgré mon état déplorable, qu'il avait été affecté par ce qu'il s'était passé. Ou bien était-ce mon état qui l'inquiétait autant ?

Finis de réfléchir à des choses sans importance. Noah venait de se réveiller à l'hôpital, et c'était tout ce qui comptait en cet instant.

J'entrai dans le bus juste avant que les portes ne se referment. Le trajet me parut durer une éternité, sans parler de ces enfants au fond qui ne faisaient que crier. Lorsqu'enfin le bus s'arrêta à mon arrêt, je descendis précipitamment en bousculant quelques passagers et me ruais vers l'entrée de l'hôpital.

Je détestais toujours autant cet endroit mais que voulez-vous, on n'efface pas des souvenirs aussi facilement. J'avais l'impression quand je rentrai dans ce bâtiment, que le fantôme de mon frère viendrait me hanter jusqu'à ce que j'en sorte. Enfin, qu'est-ce qui pourrait être pire que ces cauchemars qui peuplaient mes nuits depuis que j'avais halluciné dans la chambre de Noah le jour de l'accident ? Rien certainement.

Je toquai trois coups discrets. Une voix me dit d'entrer et j'ouvris la porte avec appréhension. Le spectacle qui s'offrit à mes yeux me fit chaud au cœur et je restai plantée là, dans l'encadrement de la porte à regarder cette famille soudée pleurer de joie. Je les enviais.

- Emma ! Tu es venue ! s'exclama Louann.

- Bien sûr, tu m'as appelé pour ça non ?

L'adolescent hocha énergiquement la tête. Madame Boujet tourna vers moi son sourire lumineux et se leva pour me serrer dans ses bras. Trois minutes plus tard, je me retrouvai seule dans la chambre avec Noah.

- Salut, me salua-t-il.

- Salut. Comment tu te sens ? demandai-je.

- Bien, enfin j'ai mal, mais je pense que c'est normal vu la situation.

- Je pense oui.

Je m'assis sur la chaise qu'occupait avant sa mère.

- Je voulais m'excuser, dis-je tout bas. C'est ma faute si tu as eu cet accident.

- Arrête de dire n'importe quoi, souffla-t-il. Est-ce que j'ai l'air de t'en vouloir pour quoi que ce soit ?

- Non.