2 - Freyja

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La salle de réunion embaumait le café et le pain grillé. Quand sa mère les avait invités à la suivre, Freyja s'était engagée en premier dans la pièce, Jayden sur ses talons. Charles Ancesteel, figure parfaite d'une Noblesse controversée, les avait salués avant de s'en aller. Sa silhouette imposante doublée de sa démarche rigide avait arraché une grimace à Freyja. Elle comprenait pourquoi Jay se sentait si mal à l'aise en sa présence.

Nweka se servit une nouvelle tasse de café avant d'entamer la discussion avec les deux Corneilles. C'était une petite salle de réunion ; pour une quinzaine de personnes peut-être. Louée pour une semaine dans un immeuble de bureaux anonyme à Barcelone. Nweka bougeait le plus possible à travers le monde pour limiter les potentielles attaques. En tant que cheffe du Conseil qui érigeait la vie des Mutabilis depuis trois siècles, elle avait déjà essuyé une tentative de meurtre depuis la prise de ses fonctions, un mois plus tôt.

Freyja suivit sa mère du regard tandis qu'elle glissait un sucre dans sa tasse fumante. Un mois avait eu les effets d'une année entière sur Nweka. Elle la trouvait plus grave, plus inquiète. Comme si elle ne l'avait pas déjà été toute sa vie.

— Maman, viens t'asseoir, grommela Frey en constatant que sa mère fouillait les panières à pain du regard pour trouver de quoi offrir le petit-déjeuner aux deux jeunes gens.

— Mais nous n'avez rien mangé, insista Nweka en daignant s'installer avec circonspection.

Jayden enleva son bonnet pour le serrer entre ses mains nerveuses. Freyja retint un sourire en remarquant son expression sérieuse. Il aurait été crédible si ses cheveux n'avaient pas eu l'air d'avoir fait la bringue toute la nuit sans lui.

— J'ai déjà mangé, pour ma part, Mme Agou. Mais je vous remercie de la proposition.

Comme Freyja levait les yeux au plafond devant son ton révérencieux, Nweka lui asséna un inoffensif coup de pied sous la table.

— J'ai pas faim, ajouta Frey comme le regard de ses interlocuteurs s'attardaient sur elle. On peut attaquer le vif du sujet ?

Mine crispée, Nweka avala une demi-gorgée de café avant de s'éclaircir la gorge.

— Vous avez déjà reçu les infos préalables alors vous savez combien ce Kyra inquiète le Conseil. Lors de la dernière grande réunion, il y a un mois, les Ancesteel nous ont prévenus d'une attaque sur leur domaine. Comme c'était un cas isolé, nous avons estimé que c'était une offensive ciblée. Peut-être même les De Sauvière ? (Jay grimaça furtivement avant de se recomposer une façade impassible tout aussi rapidement.) Dans tous les cas, nous n'avons pas pris ça au sérieux.

Nweka avala nerveusement deux nouvelles gorgées de café. Freyja pinça les lèvres. Sa mère était déjà friande de caféine avant sa nomination à la tête du Conseil. Elle n'osait imaginer combien de tasses elle devait ingurgiter par semaine, à présent.

— Résultat des courses : deux mois après la première attaque de Kyra en Angleterre, en novembre, on recense vingt assassinats de Nobles.

— Tous Britanniques, précisa Freyja en fronçant les sourcils. L'UOM a une dent contre la Grande-Bretagne ?

— On ne sait pas, soupira Nweka en observant tour à tour ses interlocuteurs. Au vu des valeurs de l'UOM, on se doute que le choix des Nobles n'est pas anodin. Aucun Sapis ni Bâtard n'a été visé.

— Je comprends qu'ils aient commencé par le Royaume-Uni, marmonna Jayden en se frottant le front. Ils ont un tas de grandes familles Nobles, à commencer par les Ancesteel. Mais je me demande : ils risquent de passer à d'autres pays une fois la Grande-Bretagne débarrassée de ses Nobles, non ?

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