Les lumières brouillaient sa conscience. Et la douleur. Cette douleur. Kyra n'en avait jamais expérimenté de pareil. Il y avait eu des moments très désagréables au cours de ses entraînements avec Zakka. Des course-poursuites à s'en déchirer les poumons, des entorses accidentelles qui l'avaient immobilisé des jours durant, des fièvres qui menaient à l'hallucination lorsque ses exercices en extérieur s'étaient déroulés sous la pluie et le vent.
Mais Zakka n'avait jamais été absent en ces périodes de convalescence. Ses mains pâles qui enroulaient des bandages autour de sa cheville tordue. Sa peau froide qui se transformait en havre de soulagement quand il passait un linge humide sur son front brûlant de fièvre.
L'absence de Zakka remplissait sa trachée d'acide. En dévalant les marches, Kyra cherchait son regard gris apaisant. Son visage flegmatique, d'un calme que l'enfant avait déjà jugé exaspérant. Parfois, il aurait aimé que son tuteur réagisse un peu plus. Réponde à ses provocations.
Zakka n'avait jamais perdu son sang-froid. Il aurait su quoi faire à sa place. Si Kyra l'avait eu au téléphone, il l'aurait aidé à sortir de ce bourbier. Mais son téléphone était tombé de sa poche pendant son attaque dans la salle du Conseil. Et puis, Zakka aurait déjà dû être là, de toute façon. C'était le plan : Kyra lançait l'assaut, jouait le bélier pour maximiser les dégâts. Le rôle de Zakka était alors de bloquer les fuyards en bas du bâtiment.
Mais tandis que Kyra débarquait dans le hall d'entrée dans une vague aussi électrique que sanglante, la vérité lui asséna un deuxième coup de couteau : Zakka n'avait pas réussi à le rejoindre.
On ne lui laissa guère le temps d'encaisser cette constatation : dans son dos, des pas dévalaient furieusement les escaliers. Une pensée amère traversa Kyra à la pensée de Jayden. Son barrage avait duré quelques secondes. Des secondes qu'il ne pouvait se permettre de perdre. D'ailleurs, Jayden lui avait indiqué une porte à l'arrière.
Sans laisser le temps aux Corbeaux aussi confus qu'alertes qui gardaient l'entrée de se décider, Kyra contourna les escaliers et fonça.
Deux autres Corbeaux l'attendaient devant la porte de sortie. Nour freina des talons, hoqueta. Le mouvement propulsa de nouvelles gouttes de son propre sang sur le carrelage d'un blanc cassé. Elle baissa furtivement les yeux pour observer les mouchetures, pressa une main sur son cou. Le liquide tiède et poisseux lui arracha des frissons.
— Reste où tu es, cracha en anglais l'un des Corbeaux - une petite femme rondelette.
Était-elle Dépourvue ? Un pistolet luisait entre des mains blanchies de nervosité. Quant à son collègue, il porta un talkie-walkie à ses lèvres pour débiter une série de mots que Nour ne chercha pas à interpréter. Elle en reconnut certains, dont son propre nom, ce qui était bien assez pour en tirer certaines conclusions.
Elle fit un pas en arrière alors que le canon se rapprochait d'elle. Dans son dos, les gardes de l'entrée principale l'avaient rattrapée. Encerclée, Nour zieuta autour d'elle, abaissa son bras. Le sang goutta de ses doigts, forma comme une tache de peinture écarlate à ses pieds.
À sa propre surprise, on ne lui tira pas dessus. Les cinq Corbeaux qui la tenaient en respect osaient à peine cligner des yeux. Les bras du long du corps, Nour observa leurs armes sans s'arrêter sur aucun d'entre eux. Elle craignait de croiser leurs regards. Kyra n'en aurait jamais eu peur, lui qui assistait au vacillement des dernières lueurs chez ses victimes.
Mais Kyra s'était effondré dans cette salle du Conseil, dans les bras de Jayden, dans les escaliers. Kyra s'était dissipé dans ses dernières vagues électriques, dilué dans le sang qui imbibait sa veste, détruit dans l'ultime ordre de Zakka.
VOUS LISEZ
KYRA
ParanormalFreyja et Jayden sont des Corneilles, chargés de protéger leurs semblables aux capacités extraordinaires, les Mutabilis. Lorsqu'une série d'assassinats s'abat sur des familles Nobles anglaises, ils sont mandatés pour traquer et neutraliser le suspec...