12 - Freyja

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Nicolas les avait jetés dans le premier train en direction de Liège. La disparition de Girandeau et la direction qu'il les avait incités à prendre en disaient long. Puisqu'ils avaient fui la Belgique à toute vitesse, Frey et Jay y retournaient avec autant de hâte.

Sans le père de Jayden, cette fois. Mais avec les deux Mutabilis civiles en boulets aux chevilles. Freyja n'avait pas seulement pris sur elle après l'annonce de son supérieur. Elle avait été à deux doigts de céder sa place à une autre Corneille. Se coltiner Jayden, c'était une chose. Se coltiner Jay et deux gamines inexpérimentées, c'était du bénévolat au vu de son salaire pour cette mission.

Bon, les traiter de gamines était un peu exagéré. Non seulement les jeunes femmes avaient un ou deux ans de plus, mais elles avaient une maturité indéniable. En attendant, elles avaient beau être des sortes de freelances qui vivaient de petits services pour les Bureaux, elles n'avaient pas l'expérience du terrain à l'instar des Corbeaux.

Ichika Juko pourrait être utile, avec un peu de chance. Sa capacité était aussi offensive que défensive. Et, à voir le masque froid sur son visage anguleux, Frey ne doutait pas qu'elle aurait la détermination nécessaire.

Sa copine était une autre histoire. Les Jordana étaient réputés pour leur sens de la diplomatie, pas pour leurs interventions directes. Kassandra n'avait pas l'air d'échapper à cette renommée. Depuis le début, ses intérêts étaient clairs à propos de Kyra. Elle ne s'en était pas cachée lorsqu'on les avait interrogées, en Angleterre.

Freyja se renfonça dans le siège du TGV, augmenta le volume de sa musique. Nico lui avait confié la suite de la traque. Avec la découverte de l'antenne parisienne de l'UOM, l'arrestation de Morgane de Sauvière et la fuite de Girandeau, il y avait trop à faire. Comme Kyra restait leur priorité, Nicolas n'avait pas hésité. Pas plus sur le besoin de poursuivre l'enquête que sur la personne à qui il la confiait.

Jay n'avait pas commenté la décision de son père. Après tout, il avait désobéi aux ordres et mis en danger deux civiles à cause de ses agissements égoïstes. Même si lesdits agissements avaient mené à l'arrestation de trois membres de l'UOM.

Frey coula un regard vers son coéquipier, sourit en voyant sa moue renfrognée. La jeune femme avait jugé son comportement dangereux. Il n'empêche qu'elle ne l'en aurait pas cru capable. Comme quoi, il pouvait encore la surprendre.


Un voile bleu-nuit s'était abattu sur le dôme de verre et d'acier de la gare de Liège-Guillemins. Le groupe échangea à peine quelques paroles le temps de trouver la file de taxis qui attendaient leurs premiers clients. Les Crommelynck avaient été prévenus de leur venue. On avait envoyé les Corbeaux de Liège et de Wallonie à leur domicile dès que la disparition de Bruno Girandeau avait été confirmée.

Une fois installés dans le véhicule, Jayden donna les instructions en français puis se tut. Aucun d'entre eux ne prit la parole avant que le véhicule ne s'arrête. Alors la voix de guimauve de Kassandra Jordana Martín s'éleva en français. Frey ne le parlait pas, mais elle avait appris à reconnaître quelques mots à force de côtoyer Nicolas et son fils. Elle releva une ou deux formules de politesse avant que Jay ouvre la portière de son côté. Freyja en profita pour s'extirper avec hâte, lasse de ce trajet passé sur la banquette arrière entre son coéquipier à l'humeur sombre et une inconnue à la posture rigide.

Le taxi les avait abandonnés au pied d'un immeuble à la façade de briques et au toit d'ardoise. Freyja zieuta les environs. Quartier historique. Famille belge de petite noblesse, mais qui s'était maintenue à flot au fil des siècles. Les Crommelynck leur avaient expliqué qu'ils possédaient l'ensemble des appartements de l'immeuble. Qu'ils pouvaient les loger dans l'un d'eux, quitté par ses locataires quelques semaines plus tôt.

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