15 - Freyja

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Nweka secoua doucement la tête face à l'expression furieuse de sa fille. Autour d'elles, des Corbeaux et des Représentants les observaient dans l'attente d'un orage. D'une explosion. D'une manifestation enragée de leur pouvoir destructeur.

Mais Nweka n'avait jamais perdu ses moyens. Pas face à sa fille en tout cas. Et Freyja n'avait rien de spécial à détruire sous la main. Elle tenait aux bagues argentées qui sertissaient ses phalanges.

— Tu peux pas faire ça, se désola Frey, dont les jambes tremblaient d'un mélange de peur et de colère.

— Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas annuler le Conseil alors que tant de Représentants sont présents. Qu'ils attendent tous des mesures et des prises de décision.

— Vous êtes tous complètement inconscients ! cracha-t-elle en tournoyant sur elle-même pour inclure les hommes et les femmes aux visages crispés qui l'entouraient.

Des murmures, des regards tendus, des rictus désapprobateurs. D'elle ? De la tenue de ce Conseil suicidaire ? Incapable de tirer des réponses dans ce silence incongru, Freyja poussa une exclamation enragée. Elle aperçut le pli désolé sur les lèvres de sa mère, son regard enfoncé, bien trop fatigué. Freyja aussi était épuisée par cette situation. Dégoûtée. D'un mouvement sec, elle fit demi-tour pour sortir de la pièce.

Dans le couloir, Jayden se redressa de la balustrade, aussi pâle que le ciel visible par les hautes fenêtres. Il referma la bouche une demi-seconde après l'avoir entrouverte. Alors, son visage prit un air aussi sinistre que celui de Frey. Ils se trouvaient dans un mouroir. Un futur mouroir. Un foutu mouroir.

— Et c'est nous qu'ils traitent d'inexpérimentés, de jeunes imbéciles têtus... Je les déteste, bordel. Et je déteste ma mère pour le rôle qu'elle doit jouer.

— Je suis tellement dépité, s'étrangla Jay, les yeux perdus dans le vide. Qu'est-ce qu'on est censé faire ?

— Jouer aux dociles petites Corneilles, siffla Freyja en le rejoignant près de la rambarde des escaliers. Suivre les ordres en attendant que le massacre ait lieu.

— Peut-être qu'il y aura pas de massacre. Après tout, les dernières tentatives de Kyra ont raté. Peut-être que l'UOM a compris et va suivre une autre méthode.

— Franchement ? J'en doute. Merde, si j'étais à leur place, je foncerais. L'occasion est trop belle. Tout plein de Représentants européens et Conservateurs... leur cœur de cible. Et ils sont sagement rassemblés pour qu'on leur tranche la tête d'un seul coup.

Jay baissa la tête en soupirant à côté d'elle. Lui non plus ne pouvait passer à côté de cette évidence. L'UOM avait toujours été clair sur ses objectifs, surtout depuis la vague de meurtres signée Kyra.

— Mais... tu crois pas qu'il y a autre chose ? Pourquoi Shiva est venue jusqu'ici ?

— Bah, tu as bien vu : la tenue de ce Conseil s'est répandue comme une traînée de poudre. L'Inde est à quelques heures d'avion seulement. Et, si ça se trouve, elle était en Europe depuis le début. Elle va peut-être profiter de l'intervention de Kyra pour abattre les grands pontes des Mutabilis. Ou s'en servir comme diversion pour agir ailleurs.

— Alors, on suit les ordres de M. Anderson ?

— Je crois que c'est ce qu'on a de mieux à faire, grommela la jeune femme avant de zieuter par la fenêtre. Va trouver M. Anderson pour qu'il t'affecte un poste. Je redescends prévenir Ichika et Kassandra qu'on ne pourra rien faire de plus.

— Dis-leur d'être prudentes, lui souffla Jay alors qu'elle s'engageait dans les escaliers.


Freyja n'eut aucun mal à les retrouver, à l'extérieur. Plantées devant trois Corbeaux qui empêchaient les inconnus ou les curieux de s'aventurer près de l'immeuble, Kassandra et sa copine protestaient. Frey retint un sourire en remarquant que la jeune Espagnole passait d'une langue à l'autre en fonction du Corbeau auquel elle s'adressait.

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