5 - Ichika

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Ichika contemplait son reflet. Sondait le brun presque noir de son regard. Examinait les courbes subtiles que ses muscles dessinaient sur ses épaules et ses bras. Comptait les cicatrices.

Son débardeur et son pantalon de treillis en masquaient certaines. Certainement pas toutes. Elles hachuraient ses avant-bras, constellaient ses mains, enserraient sournoisement la naissance de sa gorge.

Dans le miroir, la porte s'ouvrit sur Kass. Sa copine se figea en remarquant l'expression d'Ichika. Ses yeux noisette mis en valeur par un fard à paupière doré se voilèrent. Sans un mot, elle glissa les doigts sur l'épaule nue d'Ichika.

— Il faut qu'on la sauve, lâcha-t-elle avant que les mots ne la fuient – encore.

— Nour ?

— Oui.

Kassandra laissa retomber sa main, s'avachit sur le rebord de la baignoire avec un gros soupir. Ce n'était pas son genre de se laisser abattre, de rester les yeux dans le vide. La demande d'Amel les plongeait toutes les deux dans un océan de doutes et de colère.

— Tu crois qu'on est assez fortes pour y arriver ?

Ichika s'arracha à son reflet pour considérer la femme qu'elle aimait. Elle ne connaissait pas d'individu plus résilient et solide que sa copine.

— Ne me regarde pas comme ça, déplora Kass avec une grimace embarrassée. Je ne voulais pas dire que tu n'es pas assez forte. Tu l'es largement assez pour ce genre de mission. Mais moi ? Tu sais que le terrain, l'action, ce n'est pas mon truc. Tout ce que je sais faire, c'est parler. Littéralement.

— Tu es diplomate, fédératrice, répliqua Ichika en s'avançant vers elle. Tu es la clé de réussite de la moitié de nos missions, Kass.

— Et toi, l'autre moitié, sourit l'intéressée en prenant les mains que sa copine lui tendait.

Ichika s'accroupit pour être à hauteur de Kassandra. Comme l'avait expliqué Kass, c'était elle qui était douée pour parler. Pour communiquer, rassurer, encourager.

— Tu sais, je crois que nous allons avoir autant besoin de tes capacités que des miennes. Nour est manipulée depuis cinq ans par des fanatiques. On ne la convaincra pas en se montrant violent envers elle.

— Je suis bien d'accord, soupira Kass en quittant le rebord de la baignoire pour s'installer à califourchon à même le sol. Mais Nour reste une Tri-Pourvue qui baigne dans la violence depuis des années. Ça m'étonnerait qu'elle nous laisse l'embarquer sans réagir.

Assises face à face, les deux jeunes femmes échangèrent un long regard où se cognèrent des souvenirs communs. Il y a encore quelques années, c'était une autre jeune fille qui souffrait et cherchait une échappatoire.

— Elle ne voudra peut-être pas être sauvée, murmura Kassandra en glissant son pouce sur le poignet de sa petite-amie. Si elle obéit à l'UOM sans broncher, c'est qu'elle pense y avoir sa place.

— Il faut simplement qu'elle découvre qu'on l'attend ailleurs, affirma Ichika d'un ton assuré. Alors, moi j'essaie de faire en sorte qu'elle ne nous tue pas sur le coup. Toi, tu la convaincs qu'il y a une famille qui n'attend que son retour. Qu'elle a un avenir ailleurs, et moins sanglant.

Ichika avait frotté machinalement les cicatrices à l'intérieur de son avant-bras gauche. Kass enveloppa ses doigts pour les attirer contre sa poitrine. Même sur les phalanges, les petites coupures pâles envahissaient la peau halée d'Ichika.

— Je comprends que tu trouves cela dangereux, marmonna Ichika en se redressant. Si le Conseil a décidé de prendre les devants et a envoyé ses oiseaux de malheur sur la trace de Kyra, nous aurons d'autres opposants. Si tu penses que c'est trop dangereux de nous mettre les Corbeaux à dos...

KYRAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant