La gare de Paddington jetait ses arches de fer au-dessus de la tête des voyageurs. Ichika observa le ciel à travers les verrières, sa main glissée dans celle de Kass. Sa copine les menait à travers le hall bruyant, plus habituée qu'elle à voyager d'une ville à l'autre ou de pays en pays.
La jeune femme rentra les épaules tandis qu'elles se mêlaient à la foule dissimulée sous des écharpes, d'épais manteaux et autres bonnets à pompons. Kassandra ponctuait leur avancée de « pardon » appuyés, mais courtois. Ichika observa ses bouclettes blondes coincées dans son écharpe fuchsia, la rondeur de ses joues rougies par le froid. Elle préférait mille fois observer le visage de sa petite-amie que l'horizon bondé de la gare.
— Je crois qu'on y est, déclara Kass à proximité d'un pilier qui supportait un panneau d'affichage électronique. Oui, regarde, ils annoncent le train pour Bristol.
Ichika leva brièvement le nez pour acquiescer avant de se blottir contre Kassandra. Sa copine resta un moment décontenancée, mais ne tarda pas à la serrer contre elle. Ichika avait froid. Peur. Elle s'autorisait à ressentir tout ça. Car, dès qu'elle poserait les pieds à Bristol, elle ne pourrait plus se permettre la moindre faiblesse.
Elles devaient sauver Nour. Affronter les Ancesteel, leur milice et les Corbeaux qui les protégeaient. Elles n'auraient sûrement pas le temps d'avoir froid. Ni même d'avoir peur.
— Le train devrait bientôt arriver, il part à seize heures, murmura Kass au creux de son oreille. On y est presque, Chica.
L'intéressée expira longuement par le nez avant de quitter la chaleur de Kassandra. Son regard glissa du front plissé de sa copine à ses lèvres entrouvertes. Son expiration produisait un nuage vaporeux entre elles.
Ichika eut envie de l'embrasser. L'impulsion lui fit tendre les mains vers les épaules de Kass, approcher son nez du sien. La jeune femme aperçut la lueur surprise, puis reconnaissante, dans les iris de Kass. Ichika n'entendait plus que son cœur en sourdine quand elle pressa les lèvres contre celles de sa petite-amie.
— Ichika, murmura Kass une fois sa bouche libérée. Ça va ?
Ichika laissa la question flotter un instant, agrippa le poignet de sa copine.
— Avec toi, ça va.
Les traits de sa copine se tendirent, ses lèvres se plissèrent. Ichika aurait aimé que l'amour soit doux ; qu'il ne jette pas ces ombres sur le visage de Kass et dans son esprit.
— Tu fais tout ça de ton plein gré, hein ? s'assura Kassandra avec une grimace.
La question était à double sens. Ichika raffermit sa poigne sur doigts de sa copine, se pencha vers elle. Au milieu de la foule, leur proximité était un havre.
— Je te le promets, Kass. Je veux sauver Nour. (Ichika se servit de sa main libre pour frôler la joue de la jeune femme.) Je voulais vraiment t'embrasser.
Ces mots étaient encore difficiles à prononcer. Surtout au milieu d'une gare étrangère, entourée d'inconnus. Mais Ichika s'était promis de changer. De s'accepter. Elle n'y arrivait pas toujours. Comme tout parcours, il y avait les chutes et les pas en arrière.
Puis il y avait les grandes foulées. Les instants lucides, éthérés. Ce baiser, quelques secondes auparavant. L'envie, sincère et énergisante, de sentir la peau de Kass contre la sienne.
— Tu es la seule qui peut vraiment le savoir, approuva Kassandra en s'emparant de sa main pour en embrasser la paume. Tu sais que je te fais complètement confiance.
Ichika hocha doucement la tête, de peur de casser cette bulle d'intimité qui les entourait. Elle n'était pas tactile comme Kass. Au quotidien, elle n'éprouvait pas le besoin d'être bisouillée, câlinée. L'idée d'échanger un peu plus que des baisers rapides et des caresses la mettait même mal à l'aise.
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KYRA
ParanormalFreyja et Jayden sont des Corneilles, chargés de protéger leurs semblables aux capacités extraordinaires, les Mutabilis. Lorsqu'une série d'assassinats s'abat sur des familles Nobles anglaises, ils sont mandatés pour traquer et neutraliser le suspec...