13 - Freyja

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Quand Nicolas leur annonça la nouvelle, un matin ensoleillé de mars, Freyja se dressa comme une furie et manqua exploser le téléphone de Jay avec ses pouvoirs. Comme ses colocataires la dévisageaient avec crainte, elle jura tout haut, contourna la table basse et fonça dans sa chambre. Elle en ressortit à peine deux minutes plus tard avec ses Doc Martens aux pieds et un gros pull sur le dos.

Freyja claqua la porte dans son dos avant de descendre les escaliers avec hâte. Elle ne voulait pas prendre le risque de regretter et faire demi-tour. Elle avait besoin de cet air frais. De remettre les choses en place. Dans sa tête et dans ses plans.

Une fois dans la rue, elle en huma les fumets de printemps et d'essence. Zieuta à droite puis à gauche ; décida que la droite l'inspirait plus. Tout en ignorant le SMS inquiet de Jayden, elle enfonça ses écouteurs et lança la musique.

Alors, seulement, Freyja se permit de reconsidérer les choses.

Sa mère avait accepté que le Conseil se tienne d'ici quelques jours. Du moins, elle avait dû céder face aux demandes pressantes de plusieurs familles Nobles. Insatisfaits par le manque d'avancée, les Ancesteel avaient rassemblé d'autres parents inquiets. Les Girandeau – en tout cas ceux qui restaient de cette famille trahie et massacrée – les Crommelynck, les survivants Droth et quelques autres familles européennes avaient pris parti. Ensemble, les Représentants de chaque famille avaient exigé que le Conseil ait lieu dans les plus brefs délais. Il était temps de faire les comptes sur deux mois d'opération des Corneilles et des Corbeaux.

Avec le récent démantèlement de la branche française de l'UOM et, par extension, d'une partie de leur présence en Europe, plus de résultats étaient attendus. Frey comprenait que la colère gronde de plus en plus fort parmi les Nobles. Elle-même se sentait gonfler de frustration au fil des jours sans nouvelles de Kyra ou l'UOM.

Mais ce n'était pas parce que leur assassin personnel ne faisait plus parler de lui qu'ils étaient hors de danger. Cela dépassait son entendement. Comment pouvait-on organiser une session du Conseil dans ces circonstances ? Kyra – et d'autres membres de l'UOM – pouvait frapper à n'importe quel moment.

Au milieu d'une rue à sens unique, Freyja shoota dans une canette abandonnée. Ses pensées cahotèrent en écho. Sa mère était complètement inconsciente. Elle avait cédé trop rapidement. Qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? Que la discrétion de Kyra depuis deux semaines signifiait qu'ils pouvaient relâcher leur vigilance ?

Sûrement pas. Pire encore : ce Conseil était un nid de vipères. Les Représentants fustigeraient les Corneilles sur place pour leur incompétence. Les Droth et les Girandeau rappelleraient aux autres Nobles les massacres que les leurs avaient subi.

Freyja se figea à une intersection, geignit. Ce n'était même plus un casse-tête. C'était une bande de têtes brûlées à l'égo tatillon qui voulait des réponses là, tout de suite. Qu'importent les risques.

Minée, la jeune femme daigna jeter un œil à son téléphone. Jay lui avait laissé trois messages. Elle lui répondit finalement en zieutant les panneaux alentours. Un square avec une aire de jeu était indiqué à moins de cent mètres.


Jayden la rejoignit une dizaine de minutes plus tard, les mains dans les poches de sa veste en cuir. Il s'installa à côté d'elle sur le banc en observant deux grand-mères qui ragotaient de l'autre côté des installations pour enfants.

— Désolée d'être partie comme ça, lâcha Frey en croisant les jambes. Mais ça m'a rendu dingue, quand ton père l'a dit.

— T'inquiète. J'étais juste trop sur le cul pour réagir. Mais t'as toujours été plus vive pour ça.

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