Chapitre 13

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Salvor


Après le départ de mon serviteur, je passai le reste de la journée à m'occuper des affaires inhérentes au domaine. Ces responsabilités m'incombaient. J'étais l'héritier. Un engagement gravé dans ma chair à ma naissance. Car tel était le destin des enfants mâles de la famille De brym, ils commençaient leur carrière commerciale depuis le plus jeune âge. C'était tout ce que je connaissais. Alors que le peu d'amis qui m'étais autoriser s'amusaient à dilapider leur fortune sur les tables de jeux en compagnie de femmes élégantes et parfumées, je devais assister à des réunions sans fins aux côtés de mon père pour apprendre sur le bout des doigts les règles du commerce du tabac. 

Quiconque aurait prit l'attention de mon paternel à mon égard pour de l'amour se serait lourdement trompé. Mr Nicholéas De brym ne souhaitait pas l'affection d'un fils, il n'en avait rien à faire. Pour lui cela ne servait à rien. Tout ce qui l'intéressait c'était la dévotion d'un héritier, qui porterait aux nues la grandeur des De brym déjà bien haute. Une pièce maîtresse, qui rapporterait plus de richesse et d'influence à notre empire déjà florissant.

«L'amour est la pire des faiblesses qu'un homme puisse s'accorder! N'y succombe jamais!» Me rabâchait-il constamment. 

Cependant, j'avais succombé à cette faiblesse. Pour mon malheur j'avais aimé. Mais qui aurait pu me le reprocher?

Ma mère, que j'aimais par dessus tout, avait été le seul baume d'amour durant les jours de mon enfance. Le seul baume d'amour, jusqu'à ce qu'elle meure, de la plus cruelle des manières, sous mes yeux, me précipitant par la même occasion dans le gouffre sans fond dans lequel je n'avais jamais réussit à en sortir, démontrant par là que mon père avait raison lorsqu'il disait que l'amour était la pire des faiblesses qu'un homme pouvait s'accorder!

Après un rapide dîner que je pris dans mes appartements, je m'installai confortablement sur la méridienne dans ma chambre. La fatigue qui commençait à poindre me rendait pensif. Cela faisait des jours maintenant que je n'avais pas rendu visite à ma petite sœur. Mon absence devait la rendre malheureuse. Je le savais bien, elle n'avait que moi. La flamme du regret se manifesta, que j'éteignis aussitôt. Cela faisait belle lurette que je ne permettais pas à mes sentiments de se déployer. Pas même envers elle.  

Éprouver de l'amour? Je connaissais. Très bien même. C'était pour cela que des limites affectives encerclaient mon cœur. Pour ne pas souffrir, à nouveau. Car cela faisait trop mal lorsque des forces supérieurs contre lesquelles il était impossible de lutter, vous donnaient cet amour pour vous le reprendre soudain, sous vos yeux de surcroit. 

J'allumai un cigare pour faire diversion à mes pensées moroses. Une bouffée de fumée flottant dans l'air jusqu'au plafond, répandit son effluve de tabac et d'épices dans toute la pièce. Un sentiment de bien être et de calme m'envahit au moment où la nicotine se diffusa lentement dans son organisme. 

J'appréciais particulièrement ce petit moment de flottement, que je m'autorisais et qui me donnais l'illusion d'être en paix. Malheureusement, cet état de quiétude ne m'apporterait pas la sérénité nécessaire me permettant de passer une agréable nuit. Mes satanés terreurs nocturnes seraient là pour s'en assurer. Comme tous les soirs, ma mère agonisante, la bouche emplit de sang viendrait me hanter.

En plus du loup...

Rien que d'y penser mon désarroi remonta en flèche. Enfouissant ma main dans mes cheveux, je les retins dans mon poing de toute mes forces, les arrachant presque de mon cuir chevelu. Ce geste désespéré ne me soulageant aucunement, l'angoisse latente qui flottait en périphérie de ma conscience anéantit les effets bénéfiques du tabac. 

Le cerveau désormais en vrac, je plaçai mon cigare au centre du cendrier, remis mécaniquement mes chaussures ainsi que le reste de mes vêtements et m'en alla.

Je devais prendre l'air. Impérativement. Où je deviendrais fou. Une sombre énergie se mit à crépiter au fond de moi. Je la sentais se répandre dans mes veines. Si elle atteignait mon esprit, je serais foutu. 

Me rendant directement aux écuries, je sortis Tempête de son box, le montai à cru et entrai dans les bois du domaine au triple galop. La route était sinueuse mais ça ne me dérangeait aucunement. Au contraire, le danger me poussait à accélérer davantage. Adoptant une allure folle, j'étais malgré tout concentré, pour ne pas laisser la moindre inadvertance causer ma perte dans un accident débile. J'avais l'urgence de me vider la tête. D'effacer toutes les images de terreur qui me rongeaient le cerveau en permanence. 

Soudain quelque chose au loin coupa mon champ de vision. Je stoppai Tempête d'un coup en tirant successivement sur ses rênes. Une silhouette venait de traverser le sentier au loin devant moi. 

Quel était cet imprudent qui avait osé pénétrer dans ma propriété sans autorisation? Certainement un quelconque voleur de gibier qui pensait pouvoir prendre ce qui ne lui appartenait pas en toute impunité. Cet énergumène allait regretter son acte insensé et ce pour le restant de ses jours. Un rictus s'épanouit sur mes lèvres alors que je sortais mon poignard de son fourreau. Connaissant ces bois comme ma poche, j'engageai Tempête sur un autre chemin, déterminé à prendre le gredin de revers. 

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant