Chapitre 38

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 Ysaé


Je marchai sur le chemin du retour, envahi par un sentiment étrange. Un curieux mélange d'espoir et de crainte me soulevait le cœur par à-coups. Shakur, tout en restant évasif sur certains points, m'expliqua faire parti d'un réseau qui aidait les esclaves fugitifs à s'enfuir. 

Mon cœur fit une embardée en entendant cela. Si je l'avais su plus tôt, jamais je n'aurais tenter l'acte insensé que j'avais commis l'autre jour. Shakur poursuivit comme si il lisait dans mes pensées.

-Une évasion ça se prépare. On ne peut pas s'enfuir sur un coup de tête sans savoir où l'on va. Tu as de la chance que ça soit Mr Salvor qui t'ai trouvé le premier.

-J'ai eus de la chance? Tu es sérieux?! Je me suis faites marquer, m'écriais-je irritée. Que cette pratique ne te dérange pas parce que tu es né esclave est une chose. Moi, je suis née libre. Jamais je n'accepterais que l'on me traite comme un animal!

-Tu peux me croire, dit-il en s'arrêtant si brusquement que je sentis le parfum de son savon et la chaleur qui émanait de son corps. Si c'était maître De brym qui t'avait trouvé tu serais morte à l'heure qu'il est, après avoir été sauvagement mutilée, et si c'était quelqu'un d'autre tu serais à tout jamais perdue dans un des bordels de Palanques! Que tu sois née libre ou esclave n'aurait rien changer à cela. Tu es née noire, ici rien que ça, suffit!

Mon irritation s'envola d'un coup, remplacer par un instant de terreur pure qui me laissa suffocante lorsque je pris conscience de ce qu'à quoi me réduisait la couleur de ma peau dans cette partie du monde.

-Continuons, dit-il d'une voix douce en me reprenant la main.

-La récolte du maïs dont tu as parlé tout à l'heure n'est pas vraiment une récolte de maïs n'est-ce pas, murmurais-je.

-Non.

-Ce sont des esclaves en fuite?

-Un esclave.

Tout en marchant, Shakur me raconta comment de nombreux maîtres maltraitaient tellement leurs esclaves, que ceux-ci préféraient s'enfuir au péril de leur vie, quitte à être pendu, brûlé vif ou écartelé, lorsqu'on les reprenait. J'appris aussi que le réseau dont il faisait parti, aidait les fugitifs en les cachant de plantation en plantation, jusqu'à ce que le malheureux regagne les États où l'esclavage était interdit, comme Lython par exemple.

-A Lython il n'y a pas d'esclavage?

-Non.

-Et des noirs vivent là-bas?

-Oui.

-En libertés?

-Oui.

-C'est loin d'ici?

-Très loin répondit-il en souriant, sa fossette creusant sa joue. Je t'ai fais une promesse. Sois patiente, me dit-il en me regardant intensément.

-Ceux qui s'enfuient ne se font pas reprendre? Poursuivis-je, gênée par le feu de son regard.

-Certains sont repris, d'autres se suicident avant, et d'autres encore arrive à s'en sortir. Le samedi et les jours de fête sont les meilleurs jours pour s'évader. C'est à ce moment là que le fugitif commence son voyage. Ça lui donne une bonne longueur d'avance sur ses poursuivants.

-Et pour ceux qui se font reprendre, ne craignez vous pas qu'il vous dénonce.

-Si quelqu'un se fait prendre, il ne pourra rien dire car il ignore le nom de ceux qui lui portent secours.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant