Chapitre 34

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Salvor


Quelques enjambées me conduisirent à travers la salle pleine de brouhaha jusqu'à une petite pièce au fond où les hommes se réunissaient pour fumer, boire et parler affaires. Je me dirigeai vers une table dans coin reculé où un homme mince âgé d'une soixantaine d'années, au teint pâle et aux cheveux grisonnant, m'attendait déjà. 

A peine installé, un serveur apporta une bouteille de whisky ainsi que deux verres.

-Karmer, dis-je une fois le serveur partit.

-Mr Salvor, salua Karmer en serrant la main que je lui avais tendu.

-Comment se porte votre famille?

-Ma femme va bien monsieur. Elle souffre de goutte mais elle ne se plaint pas.

Je pris un air compatissant. Il était vrai que j'appréciais tout particulièrement Karmer.

-N'hésitez pas à me dire si il vous faut un médecin. Je pourrais vous mettre en contact avec l'un des meilleurs du pays, vous le savez n'est-ce pas?

-Karmer hocha la tête avec gratitude.

-C'est très aimable à vous, monsieur. Puis-je vous servir un verre?

Lorsque déclinai, il versa une rasade ambré dans le sien.

-Je sais que vous n'aimez pas perdre votre temps, j'irai droit au but, annonça t-il avec un sourire malicieux.

Étrangement, le sourire du vieil homme réchauffa mon cœur. Jamais je n'avais vu un sourire sur le visage de mon père. Tout au plus un rictus, quand il me regardait, vraiment.

-Vous me connaissez bien, m'amusai-je.

-Votre portefeuille de placement est solide. Les entreprises dans lesquelles vous m'avez demander d'investir sont de qualité. Elles existent depuis longtemps, sont peu endettées et sont dirigées par des personnes compétentes. Tout cela ne tardera pas à vous rapportez de l'argent et je dirais même beaucoup d'argent, sur le long terme.

-Bien.

-Mais ce n'est pas ce qui m'inquiète, dit Karmer après avoir bu une gorgée d'alcool.

-Qu'est ce qu'il y a?

-De plus en plus de voix dans le pays s'élèvent contre la traite des noirs.

-Ce n'est pas nouveau, ça.

-En effet. Mais les associations visant à mettre fin à la traite négrière ne se contentent plus de se rassembler dans des coins sombres. Elles mènent une politique ouvertement agressive en boycottant tous les produits qui sortent des plantations. Chaque jour qui passent elles devienne plus puissantes. Cela fait des mois maintenant que le sucre et le thé subissent un sérieux revers. Et si j'en crois mon instinct, le tabac ne tardera pas à suivre le même chemin.

Mes doigts passèrent férocement dans mes cheveux pour les dégager de mon visage.

-Nous sommes les seuls à produire et à vendre du tabac dans tout Palanques, dis-je en me penchant vers Karmer. Et pour tout dire, je vois très mal les gens boycotter le petit plaisir qu'ils ne pourront plus se procurer nulle part ailleurs. Les abolitionnistes comme les esclavagistes, d'ailleurs!

-Justement, répondit mon interlocuteur en prenant la même pose que moi. Le fait que vous soyez les seuls à produire et à vendre du tabac dans tout Palanques fera de vous une cible de choix. Les Abolitionnistes vous mettront plus facilement la pression. Ils se fichent de faire couler le navire sur lequel nous somme tous, ils sont équipés de bouées en liège.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant