Chapitre 40

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Ysaé 


Une semaine s'était écoulée sans que j'aperçoive l'ombre de Mr Salvor. Pourtant il était bien présent sur la plantation. Non pas que j'aurai voulu le voir, au contraire ne pas le croiser était pour moi signe de tranquillité. Mais qu'il ne rende pas visite une seule fois à sa pauvre sœur qui se languissait de lui alors qu'il était là, restait bizarre. 

Mr De brym était retourner en ville. Et le domaine avait retrouvé une forme de sérénité si je pouvais m'exprimer ainsi. Ma était redevenue joyeuse et faisait des mamours avec Pa, quand ils croyaient que personne ne les voyait. Même la grosse Betsy s'était remise à bougonner. Deux fois plus que d'habitude! Rien que pour la faire taire, aurais-je souhaiter le retour de Mr De brym?

Naaaann!

Les achats que mademoiselle avait effectué à Debourg était arrivés ce matin. Elle avait distribuée un petit cadeau à chacun. J'avais pour ma part écopé d'un splendide coffret en bois sculpté contenant une épingle à cheveux argenté en forme de papillon nacré qui irait parfaitement avec mes cheveux ébène avait-elle préciser. Je l'avais remercié chaudement lorsqu'elle me les avait remis en toute discrétion dans le secret de notre chambre.

-Je ne veux pas de remerciements, je veux juste une embrassade. Avait-elle dit en faisant la moue.

En riant j'étais allé me jeter dans ses bras.

La température allant en se rafraîchissant en ce début du mois de septembre, mademoiselle décida dans l'après-midi de se rendre au quartier des esclaves pour leur apporter des couvertures en prévisions des nuits d'hivernages qui ne tarderaient pas à sévir. Après un rapide passage à l'atelier de couture où nous récupérâmes l'énorme paquet que Prune avait confectionner et que j'attachai dans mon dos à l'aide d'une grosse ficelle, j'engageai la chaise roulante de mademoiselle sur le sentier ombragé, bordé d'arbres qui menait au quartier des esclaves. 

Quinze minutes plus tard, des cases mal entretenues nous accueillaient. A cette heure-ci les esclaves n'avaient pas terminés leur labeur dans les champs. Lorsque nous arrivâmes dans la cour, quelques enfants de trois ou quatre ans assis par terre, nous regardaient avec curiosité. Les autres plus âgés apprenaient avec leurs parents à récolter les feuilles de tabac ou à servir de l'eau aux asservis en arpentant les traverses, travail délicat et harassant qu'ils effectueraient toute leur vie. Mlle distribua aux petits des confiseries acheter à Debourg et dont elle avait remplit ses poches. La vielle Nana attirée par les cris de joie des enfants vient à notre rencontre.

-Eh ben, eh ben ! Voilà t-il pas qu' c'est Mam'zelle Lorys qui vient nous rendre une p'tite visit'an?

-Nana, comment vas-tu? Demanda une mademoiselle Lorys, au bord des larmes.

La vielle Nana redressa son corps voûté, mit ses mains sur le coté et continua

-Comme-ci comme-ça'w! Mais vous, une sacré mouche à du vous piquez bien fow pour qu' vous fassiez tout l' chemin jusqu'ici sur vote pauvre chaise roulante!

-C'est que je voulais te voir ma chère Nana. Ça fait si longtemps. Tu me manques, tu sais.

-Vous m' manquez aussi Mam'zelle faut pas croiw, vous manquez aussi à vote pauve Nana. Mais j' peux plus traîner ma vielle carcasse pour venir vous voiw tout là-haut, sans quoi, j' risquerais de claquer en chemin comme la vielle mule de Mr Dax!

La vielle Nana se tourna péniblement vers les enfants.

-Allez, le mangé est prêt leur dit-elle en balançant un doigt en direction de la case.

Les enfants ruèrent dans sa vieille cabane.

-Faudrait qu' le Cap'taine vous touve pas à prendre vote aise ici Mam'zelle Lorys. Non seulement il l' dirait à vote papa qui l' prendras pas bien mais pas bien du tout, mais en plus il manquera pas d' passer sa rage sur nouw.

-On ne restera pas longtemps je te le promets. On est juste venu emmener des couvertures.

-Oh, que vous êtes bonne Mam'zelle. Et l'hivernage qui approche! Merci beaucoup Mam'zelle Lorys, on en f'ra bon usage. Que l' Seigneur vous garde une place sur ses épaules au jour du jugement dernier!

-La semaine prochaine je reviendrais avec Ysaé, porter quelques nécessité.

Mon cœur gonfla dans ma poitrine lorsque j'entendis ma maîtresse annoncer cela. Elle m'avait fait la promesse d'essayer d'améliorer le sort des esclaves et ça n'avait pas été de vaines paroles. M'avançant toute fière, je détachai le sac dans mon dos et le tendit à la vielle Nana qui le saisit en me scrutant de ses yeux aussi noirs que deux grains de café.

-Comment va Belle, demandais-je.

-Dès l' lendemain le Cap'taine l'envoyait déjà dans les champs! Mais elle est plus comme avant ma Belle. Elle a comme qui dirait une haine terrible en elle. J'ai peur qu'un jour qu'elle fasse une bêtise, souffla tristement Nana.

-Je suis désolée.

-T'as l'air d'ête une bonne petite toi, dit-elle en me détaillant de haut en bas. Prend soin de Mam'zelle Lorys c'est une bonne personne. La prochaine fois vient tout' seule. Pass' que si l' maître il apprend que Mam'zelle descend dans l' quartier des esclaves, il risque d' la mettre dans un asile et toi tut' trouveras dans les champs en moins temps qu'il t' faudra pou dire crotte!

Frappée d'un profond sentiment de terreur, je ne pu que hocher la tête en entendant les sinistres paroles de la vielle Nana.

-Allez ouste, avant qu' Satan et ses suppôts supérieurs n'apparaissent et vous trouvent ici! Dit-elle en nous chassant comme on chassait des poules.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant