Chapitre 29

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Salvor


Entrant dans l'immense salle à manger avec ses boiseries anciennes, sa cheminée en marbre noir et ses meubles lourds qui dataient de l'époque du père de mon grand-père, je passai devant une série de portraits qui m'observaient d'un œil sévère. Il y avait là, mon aïeul, mon grand-père et mon père. Chacun d'eux, peint lorsqu'ils avaient trente ans, l'age où les héritiers De brym prenaient avec fierté et bravoure la direction de la plantation. Dans sept ans le mien viendrait compléter les leurs. 

Balayant la salle du regard, je tombai sur mon père assit au bout d'une interminable table au centre de laquelle trônait deux énormes urnes en argent ornée de fleurs et de fruits. Pouvant facilement accueillir une vingtaine de convives, la table habillée d'une nappe immaculée, croulait sous la nourriture. Ce qui était d'une extravagance sans nom. Car qui avait besoin de deux entrées, de deux plats et de deux desserts en guise de déjeuner. Poussant un soupir à fendre les pierres, j'allai m'installer à l'autre extrémité de la table en traînant des pieds. Mon père tenant à ce que les observances soient respectées, exigeait que nous prenions les repas du midi ensemble à chaque fois qu'il passait du temps sur le domaine. Pour ma part, je ne voyais pas l'intérêt d'une telle mascarade. D'autant qu'il fallait élever la voix si nous voulions avoir la moindre conversation. Je préférais et de loin lorsqu'il n'était pas là, je pouvais ainsi déjeuner sans chichis dans mes apparemment ou bien dans ceux de Lorys.

Ma Lyn entra, suivit de Pipa et Mabel qui se positionnèrent, chacune, derrière nos chaises respectives. Vêtues d'une robe bleue rehaussée d'un tablier en dentelle de la même couleur du bonnet blanc qui recouvrait leur cheveux, elles étaient prêtes à servir. Au signal de mon père, chacune prépara une assiette faite de betteraves rôties avec sa sauce piquante, de fromage, de lamelle de melon d'eau et de quelques noix, qu'elles déposèrent devant chacun de nous. 

En redressant la tête, mes yeux tombèrent directement dans ceux de Ma Lyn, qui tout en s'assurant du bon déroulement des opérations, m'adressa un sourire discret, que je lui rendis volontiers. Elle devait sans doute lire sur mon visage que je n'avais qu'une hâte, me barrer de loin de toute cette comédie. La conversation fut pauvre durant tout le repas et les minutes s'allongeant, je m'égarai fatalement dans mes pensées.

Je n'avais pas fermer les yeux de la nuit, et pour cause.

L'échec cuisant de mon pseudo interrogatoire me minait.

Se montrer négligent en ne commençant pas la discipline de l'esclave au plus tôt ne pouvait que mener au chaos.

La preuve!

Comme marquer au fer rouge, je portais encore l'empreinte invisible des lèvres de l'esclave sur les miennes. Les yeux dans le vague, je passai et repassai la pulpe de mon pouce sur ma lèvre inférieure en me remémorant la scène. Hier soir dans la grange j'avais été excité comme jamais. Et ce matin je l'étais toujours. 

Une vague de dégoût pour moi-même me submergea.

Comment mon membre pouvait-il gonfler aussi fort pour cette esclave?

Comment avais-je pu me laisser aller au point de mettre ma langue dans sa bouche?

Pire....

Comment avais-je pu éprouver un tel plaisir en faisant cela?

C'était comme si une force invisible m'avait propulsé vers elle. Ça n'avait aucun sens. Non, aucun. Quand je pensais que c...

-Tout va bien, Salvor ?

La question de mon père m'ancra brutalement dans la réalité.

-J'ai mal à la tête.

En partie c'était vrai, car j'avais passé la nuit, une sensation de manque me torturant.

-Ma te préparera une infusion pour te soulager

-Non merci, ça va.

Mon père me scruta de plus belle.

-Si ça va pourquoi chipotes-tu la nourriture, alors?

-Sans doute parce que je n'ai pas faim.

-Si tu couvres quelque chose ne vaudrait-il pas mieux que tu reportes ton départ pour Debourg?

-Debourg n'est pas si loin que cela père. Tout ira pour le mieux, ne vous inquiétez.

Mais il insista.

-Tu n'as vraiment pas l'air dans ton assiette. Tu es tout pale et tes yeux sont cernés.

-Puisque je vous dis que tout va bien, père.

-Ne voudrais-tu pas voir le médecin?

-Non père.

-Est-ce encore tes cauchemars?

-Non, père.

-Tu peux te retirer si c'est ce que tu veux, dit-il après un long moment de silence.

Il ne fallait pas me le dire deux fois.

Au moment de me lever, je remarquai le bandeau de l'esclave enroulé dans ma main.

A quel moment l'avais-je sortis de ma poche pour jouer avec.

-Seigneur...

-Qu'est-ce qu'il y a encore ? s'enquit mon père agacé.

-Rien...juste...que...qu'il fait chaud...aujourd'hui. 

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant