Chapitre 48

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Ysaé


Une fois rassasiée et pomponnée, Mlle Lorys m'informa de son intention de rester dans ses appartements pour restaurer son chef-d'œuvre intitulé «Jolies Libellules» qui sans qu'elle ne sache comment avait reçu...des...éclaboussures...d''eeeencre!!!

Je refusai de lui dire que ce sacrilège s'était produit le jour où son frère avait testé sa méthode d'interrogatoire sur moi. Au lieu de quoi, j'emportai les reliefs de son petit déjeuner, lavai la vaisselle et aidai la grosse Betsy à plumer trois gros poulets en sachant que si Mlle avait besoin, elle me sonnerait. 

Nous étions dans la cour entrain de ramasser les plumes qui nous avaient échappées et mon esprit à l'instar d'elles, virevoltait dans le souvenir de la langue de Mr Salvor enfoncée profondément dans ma bouche après qu'il m'eut plaquer contre le mur de ma chambre. La chaleur de son corps collé au mien continuait d'infuser dans mes veines comme un poison toxique.

Je n'arrivais à penser à rien d'autre, qu'à ça!

J'étais entrain de livré une bataille féroce en tentant de refouler ce besoin viscéral qu'il avait déclenché en moi, lorsque un jeune esclave que je n'avais jamais vu auparavant se précipita vers Betsy. S'arrêtant devant elle avec déférence comme si il craignait d'être réduit en cendres par la mère des Dragons en personne, le jeune esclave lui dit tout essoufflé,

«Nana...demande...de traverser...le Jourdain.»

Avant de repartir en direction du quartier des esclaves en courant.

-C'est pas possible! C'est pas possible! C'est pas possible! Psalmodiait La grosse Betsy en tournant en rond.

C'était la première fois que je la voyais en proie à une telle nervosité. Elle avait l'air d'une grosse maman buffle sur le point de traverser un fleuve remplit de crocodiles affamés. 

-Viens, cria t-elle en me faisant signe de la suivre à l'intérieur du fumoir, où était entreposée la réserve de viande pour l'année. 

Une odeur de fumée rodait à l'intérieur du bâtiment. Plusieurs pièces de viande, des saucisses longues enroulées sur elles-mêmes et une multitude de poissons, suspendaient aux poutres. La grosse Betsy décrochant un morceau de porc, y découpa une tranche de lard et l'enveloppa dans plusieurs feuilles de papier journal.

-Descends au quartier des esclaves...

-Et le capitaine, coupais je craintive.

-Le capitaine est dans les champs. Tu ne l' croisera pas. Va voir Nana, donne lui c' morceau de porc salé, dit-elle en me le tendant. Dis lui de l' conserver dans l' vieux puits abandonné pendant deux jours. Et qu' sous aucun prétexte le lard ne doit s' trouver dehors. Deux jours. Tu t'en souviendras?

-Oui. Mais ce n'est pas la peine que je m'encombre avec ce morceau de lard. Je ne suis pas bête tu sais, j'ai bien compris que ce message codé c'est pour aider un esclave en fuite.

-Et moi j' dis que si t'étais pas si bête à manger tout l' foin de Palanques, t'aurais su que ce lard t' couvrirait au cas où un des Supérieurs du capitaine t'arrêterait en chemin.

-Peut-être que le Supérieur en question pensera que j'ai volé ce lard. Ça servira à rien et compliquera encore plus les choses, lançais je crâneuse.

-Ça compliquera que dalle. T'auras simplement à répondre, comme la grande maline que t'es, que ce lard est un cadeau que Mr Salvor t'a d'mandé de porter à son esclave favorite.

-Son esclave favorite, criai je malgré moi.

-On dirait comme qui dirait qu' ça t' pose un problème qu' Mr Salvor est une esclave favorite au quartier.

-Non. Bien sur que non. Tu dis n'importe quoi Betsy!

-Si j' dis n'importe quoi... Oh fit-elle alors que je m'apprêtais à partir. Dis à Nana d' remettre les haillons dans l' papier.

-Les haillons?

-Pour une fois Ysaé fais juste c' qu'on t' dit sans poser de question. C'est une question de vie ou de mort, bordel!

Il fallait quinze minutes de marche pour aller jusqu'au quartier des esclaves. Dix quand on courrait. Mais j'en mis cinq parce que c'était une question de vie ou de mort et que j'avais appris que Mr Salvor avait une esclave favorite qui habitait dans le quartier.

Je remis à Nana le lard et les instructions tel que je les avais reçu de la grosse Betsy et récupérai ce qu'elle devait me donner. Marchant à vive allure sur le chemin du retour, le domaine m'apparaissait déjà au loin lorsque, quelqu'un derrière moi me tira par le bras. Mon cœur se figea et je faillis hurler de terreur. Mais en me retournant je vis que c'était Shakur.

-Qu'est-ce que tu fais là? Demandai je tandis qu'il m'entraînait à l'abri dans les bois.

Il était difficile d'y marcher. Mais il ouvrit un passage en poussant les branches qui le gênait. Coincé dans les fourrés, je me retrouvai coller face à lui.

-C'est Belle, souffla t-il. Lorsque Pa est arrivé au quartier pour rassembler les esclaves ce matin, il a trouvé Belle près du cadavre de Drew, un des Supérieurs du capitaine. Selon Nana, il aurait passé la nuit avec Belle a...tu sais, dit-il le rouge lui montant aux joues. Et elle l'a tué pendant qu'il dormait.

J'écarquillais les yeux.

-Pa a caché Belle. Mais quand le capitaine verra qu'il lui manque une esclave et un Supérieur, il comprendra que quelque chose tourne pas rond. Donne moi ses vêtements, dit-il en les prenant dans mes mains. Je dois faire diversion en semant l'odeur de Belle dans la foret. J'espère que ce sera suffisant pour mener les chiens du capitaine sur une fausse piste.

-Est-ce que ton réseau peut l'aider? Elle ne mérite pas ce qui lui arrive. Pauvre Belle, dis-je anéantie.

-Malheureusement non. Le réseau ne fonctionne pas à l'improviste. Mais je ferais tout ce que je pourrais pour l'aider. Tu n'as croisé personne en descendant au quartier?

-Je fis non de la tête.

-Retourne rapidement à la grande maison et surtout reste auprès de Mlle!

-Sois prudent Shakur, dis-je en lui serrant les mains.

-Ne t'inquiètes pas.

Il me regarda intensément puis écrasa ses lèvres sur les miennes avant de sauter hors du fourré.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant