Chapitre 78

64 10 9
                                    

Ysaé 


Mr Salvor était assit à son bureau, son regard pensif, braqué sur moi, couchée dans son lit. 

Il était encore tôt. Comme toujours ses magnifiques traits tourmentés me frappèrent en plein cœur.

Il portait uniquement son caleçon long. Mon regard remonta le long de son ventre ferme à son torse musclé où était niché son pendentif en forme de S, jusqu'aux griffures qui coloraient la peau blanche de sa poitrine de plusieurs traces rouges vif. Je l'avais donc moi aussi marqué, à ma façon. Un sourire en coin étira ses lèvres pleines lorsqu'il s'aperçut de mon embarras. Je baissai les yeux, troublée par le souvenir de la nuit que nous venions de passer.

Il a goûté ton sang. Bon sang mais qui fait ça?!!!

Nous restâmes là, l'un l'autre sans rien dire.

Pendant un bon moment.

Je redressai la tête, il m'observait.

L'aurore ne tarderait pas à poindre et j'avais des choses à faire au lieu de rester là à l'observer m'observer. Comme il ne disait rien, je m'aventurai à glisser mes pieds hors de son lit pour les déposer sur le tapis duveteux qui ne faisait aucun bruit quand on marchait dessus.

Il m'observait...

Je ramassais ma pauvre culotte en étoupe déchirée et ma tunique que je revêtis.

Il m'observait encore...

Je me redressai sur mes pieds.

Il m'observait toujours.

Au moment où j'amorçai le premier pas pour m'en aller, il me fit signe d'approcher. Je clignai plusieurs fois des yeux, essayant de comprendre ce qu'il voulait. Ne trouvant rien je me tins debout devant lui.

-Embrasse moi.

Je pris feu.

Et me penchai vers lui. Ce faisant, pour m'équilibrer, je du déposer mes petites mains sur ses larges cuisses. Un grognement sourd lui échappa lorsque mes lèvres effleurèrent les siennes. Il enfouit sa langue dans ma bouche et m'embrassa à perdre haleine, s'arrêtant uniquement que quand il fut à bout de souffle.

-Souhaite moi la bonne journée. Souffla t-il contre ma bouche.

-Bonne journée, murmurai je.

-Bonne journée, qui?

-Bonne journée Salvor.

-Redis le.

-Salvor.

-Encore.

-Salvor.

-Bonne journée à toi aussi ma petite gazelle.

Mon estomac se tordit en entendant mon surnom. M'attrapant la nuque, il se pencha vers mon oreille en chuchotant

-La morsure que je t'ai faite, tout à coté de mon sceau, sais-tu ce qu'elle signifie, petite gazelle?

Je ne répondis pas.

-Elle signifie que je te possède. Ne l'oublie pas. Jamais.

Je fermai les yeux un instant.

Je détestais l'entendre me dire ces mots là.

Je te possède.

Pour moi c'était horrible, humiliant et dégradant. Cela me rappelait constamment ma terrible condition. Le fait qu'il était mon maître et moi son esclave. Le fait qu'il détenait tout pouvoir sur moi, que ma vie était fragile et que ma liberté dépendait exclusivement de son bon vouloir. 

Mais par dessus tout je me détestais plus encore.

Car au fond de moi j'aimais plus que tout qu'il me dise ces mots là.

Je te possède.

Cela me rappelait son obsession alors qu'il s'enfouissait désespérément en moi, me procurant le plaisir le plus intense de toute ma vie. A chaque fois qu'il le disait de sa voix grave, il me liait un peu plus à lui, me plongeant volontairement dans sa folie. 

Mr Salvor était un homme dangereux.

Correction.

Salvor était un homme dangereux.

J'étais prête dorénavant, dans ma tête, à l'appeler par son prénom.

Salvor était un homme dangereux. Pas à mon encontre. Mais à l'encontre de Shakur. Un incendie faisait rage en lui. Qui ravagerait tout. Il ne permettra plus jamais que Shakur s'approche de moi. Je le voyais clairement maintenant. Et je ne devrais pas l'oublier. 

Peu importe ce que je ressentais à son égard, désormais.

Je dégageai ma tête de son emprise pour échapper à son regard de glace trop pénétrant. Bientôt je ne subirais plus sa folie.

Car je m'enfuirais avec Shakur. Il n'y avait aucun autre moyen de mettre un terme à la tragédie qui se profilait à l'horizon.

Si j'avais mal planifiée ma première tentative de lui échapper, la seconde serait une réussite car je ne serais pas seule.

Shakur serait avec moi.

Bientôt, et je marronnerais.

Bientôt, et je serais libérer de sa toile d'araignée.

Bientôt, et Salvor disparaîtrait de nos vies à Shakur et à moi.

Pour toujours.

J'attendis que l'exaltation me balaye.

Mais ce ne fut pas le cas. Pas du tout même.

Au contraire, une tristesse à l'idée de ne plus jamais le revoir s'abattit sur moi. C'était insensé.

Pour sur je souffrais d'une maladie. Une sorte de maladie inexplicable, qu'aucun médecin ne pourrait jamais diagnostiquer.

Une maladie mystérieuse qui au lieu de me faire ressentir une profonde haine pour mon tortionnaire me faisait éprouver une sorte d'attachement bizarre envers lui. Devant cette ignominie mes ancêtres devaient faire des sauts arrières dans leurs tombes.

Une fois hors de sa portée, tu l'oublieras. Forcément.

Mon cœur pinça méchamment ma poitrine en entendant les propos de ma compagne.

Jamais je n'oublierais Salvor.

Tu entends.

Jamais.

D'accoooord...

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant