Chapitre 36

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Ysaé


Comme de nombreux domaines, la demeure des Wheeler, ceinte d'une longue galerie soutenue par des colonnes monumentales couvertes de plantes grimpantes, possédait une allée ombragée bordée d'arbres hauts. Une pelouse bien entretenue faisait le tour de la propriété et des champs de coton s'étendait à perte de vue. 

Mr Wheeler ainsi que son épouse et sa fille étaient postés sur la galerie pour assister à notre arrivée. Lorsque Shakur emprunta l'allée gravillonnée et gara la voiture devant la véranda, la famille descendit les quelques marches pour accueillir leurs invités. Mr Salvor mit pied à terre, suivit de Shakur qui m'aida à installer mademoiselle sur sa chaise.

-Salvor! Lança Mr Wheeler.

-Franklin!

-Soyez les bienvenus.

-Merci de nous avoir inviter.

-Mme Wheeler, Mlle Félicity, salua Salvor en offrant un baise-main à la première et un magnifique bouquet de fleurs à la seconde.

La joie que procura le présent de Mr Salvor à Mlle Felicity, se mua en une véritable effervescence lorsqu'elle brandit le bouquet de fleur comme un trophée, sous le nez de sa mère.

-Un peu de tenue ma chère, la rabroua Mme Wheeler.

-Merci, Mr Salvor, dit Mlle Félicity en devenant rouge comme une tomate.

-Tout le plaisir est pour moi, Mlle Félicity, répondit Mr Salvor, son irrésistible sourire étirant le coin de sa bouche.

Ma maîtresse était tendue. Le rythme saccadé de sa respiration en était la preuve. Postée derrière sa chaise, je posai une main rassurante sur son épaule pour la calmer.

-Tout ira bien mademoiselle, soufflais-je en la caressant.

A ces mots Mr Salvor se tourna vers nous comme si il était tiré par un fil.

-Lorys, dit-il de sa voix grave. Si tu le souhaites, nous repartons immédiatement .

-Ne t'inquiètes pas mon frère. Ça ira, répondit Mlle d'une petite voix.

-En es-tu sur?

Elle se contenta de lui donner un sourire et un hochement de tête pour toute réponse.

-Tu n'a qu'un mot à dire, insista t-il.

Puis les lèvres pincées et les paupières mi-closes, Mr Salvor m'affronta du regard. Un regard glacé qui me cloua au sol et m'embrasa de l'intérieur.

-Merci. Je n'avais pas réalisé.

Il s'était adressé à moi. Je battis des paupières. Il venait sans effort de me réduire en une chiffe molle. Il y eut un temps de silence, puis Mme Wheeler accompagnée par deux teckels à poils long, intervient

-Oh non, Mlle Lorys, Felicity s'est fait une telle joie de vous recevoir qu'elle a préparé une multitude de jeux pour vous divertir. Vous lui briserez le cœur si vous repartez.

Mon regard passa de Mr Salvor qui ne me quittait pas des yeux, à Mme Wheeler puis à Mlle Felicity plantée à coté de sa mère, son bouquet de fleur à la main. C'était une jeune femme extrêmement belle, grande et mince, aux boucles blonds comme les blés savamment coiffées. Sa peau parfaitement laiteuse habillée d'une magnifique robe jaune pastel faisaient ressortir le brun chaud de ses yeux. Le brun chaud de ses yeux rivés sur moi. La crispation de sa mâchoire indiquait qu'elle était en proie à une émotion sous-jacente, une espèce de fureur bouillonnant sous la surface, plus profond que ne le suggéraient sa mine se voulant pourtant affable.

-Permettez que l'on fasse monter votre sœur, dit Mr Wheeler, tout en chassant les chiens qui reniflaient les roues de la chaise de mademoiselle. Lazarus, Janus, appela t-il.

Deux esclaves se précipitèrent.

-Oui monsieur?

-Portez mademoiselle Lorys dans le grand salon. Et faites en sorte de ne pas la laisser tomber, sinon les crocodiles du marais dévoreront vos chairs d'esclaves!

-Oui monsieur, répondirent-ils en chœur.

Mr et Mme Wheeler emboîtèrent le pas aux domestiques.

Mlle Félicity faisant virevolter sa magnifique robe jaune à volants, s'approcha de Mr Salvor, et plaçant sa délicate main libre gantée de blanc dans le creux de son coude, l'entraîna à sa suite dans un concert d'aboiements

Vos esclaves attendront dans la cuisine lâcha t-elle en me lançant un regard sarcastique. 

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