Chapitre 102

59 9 4
                                    

Ysaé 


Ma avait atteint son point de rupture.

Ma avait le cœur brisé.

Deux jours après l'annonce de la mort de Shakur, alors que je me trouvais dans la cuisine à aider la grosse Betsy, Mr De brym déboula en criant,

-Lyn ne va pas bien!

Lorsque nous pénétrâmes la grosse Betsy et moi dans les appartement de Mr De brym dont la beauté du décor m'échappait, je plongeai mon regard dans celui de Ma allongé dans le lit de son maître et m'étonnai de ne déceler aucune réaction sur ses traits parfaitement inexpressifs.

C'était comme si elle dormait éveillée. 

Ma était méconnaissable.

Sa magnifique chevelure châtain avait entièrement blanchit.

Je cru qu'une vague venait de me renverser devant cette terrible vision. 

Toute volonté semblait éteinte en elle. Aux prix d'infinis efforts je fis ce que la grosse Betsy me demanda en allant chercher de quoi la toiletter.


Les semaines qui suivirent la lente agonie de Ma furent terribles. 

Je fus auprès d'elle à chaque instant. 

Mr De brym qui avait délaissé ses appartements afin que je m'occupasses d'elle au mieux avait trouvé refuge dans une chambre contiguë à la sienne. Il venait la voir tous les jours et s'asseyait à ses cotés le plus clair de son temps, la prenant dans ses bras, la serrant contre sa poitrine, lui chuchotant:

Je voulais te le ramener vivant.

Comment aurais je pu lui faire du mal?

Je jures que je voulais te le ramener vivant.

Après lui avoir dit cela, il la regardait en face et même si il ne décelait pas la moindre émotion sur le magnifique visage de Ma, il glissait sa main dans la sienne et s'allongeait auprès d'elle. D'autres fois, il la couvrait de baisers et lorsqu'elle ne réagissait pas à sa présence, à bout de patience, souhaitant la faire réagir, il la prenait par les épaules et répétait son nom sans cesse en la secouant doucement.

L'attitude de Mr De brym était incompréhensible. D'ailleurs cela faisait des années que je ne cherchais plus à la comprendre. Je ne connaissais rien de son histoire avec Ma. C'était un secret bien gardé. Quelque chose de profond les liaient, c'était certain. Mais je ne savais pas quoi il s'agissait. La seule personne à être dans la confidence c'était Betsy. Et pour rien au monde  elle ne trahirait Ma Lyn.

Ma ne s'alimentait pas.

Ma refusait toute nourriture.

Même les décoctions de la grosse Betsy que je lui donnais à la petite cuillère comme un bébé, ne furent d'aucune utilité.

Ma ne parlait pas. 

Ma ne voyait pas.

A défaut je chantais des chants de mon pays, souhaitant lui faire savoir que je me trouvais là et qu'elle n'était pas seule dans le monde dans lequel elle s'était réfugiée.

Ma dépérit rapidement, chacune de ses laborieuses respirations étant autant de lacérations sur mon âme déjà sanguinolente.

Vers la fin qui dura des semaines, ses robes cachaient à peine sa maigreur.

Dans mon sommeil, je la revoyais marcher, le port altier, extrêmement belle, entrer dans la cuisine et donner ses instructions à la grosse Betsy. La seule terriblement digne, qui soutenait le regard de Mr De brym et du Capitaine, sans ciller. La seule dont le rire en cascade vous faisait rire en retour.

Ma finit par s'éteindre,

Le cœur brisé,

Par un beau matin ensoleillé, 

Après de longues semaines passées l'esprit dans l'obscurité. 

Et tout le domaine le sût,

Car Mr De brym ivre de chagrin, 

Poussa des hurlements d'animal blessé, 

Pendant des heures.


YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant