Chapitre 11

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Ysaé


Le jour tant attendu je me réveillai en sursaut. Mon cœur tambourinait comme les sabots d'un troupeau de gazelles qui galopaient sur les vastes plaines de mon pays. Il me fallut un moment pour rassembler mes esprits. J'allais m'enfuir. Aujourd'hui. Mon ventre se noua d'appréhension. J'avais peur.

Oh oui, j'avais peur. Pourtant je n'autorisai pas à la peur à s'installer et à répandre son venin dans mes veines. Il fallait que je parte. Je n'avais pas le choix. Nécessité faisait loi. Plutôt mourir en essayant de m'échapper que d'attendre que Mr Salvor me détruise. Parce qu'il le ferait. Je le lisais dans ses yeux à chaque fois que je le croisais. Deux forces faisait rage en lui. L'une voulait me tuer. Et l'autre voulait me massacrer avant de me tuer. Hors de question que je reste là pour savoir laquelle des deux allait finir par le vaincre. 

Je me levai, fit une rapide toilette et descendis à la cuisine aider la grosse Betsy comme si de rien était. Elle me demanda d'écosser des petits pois avec son humeur habituelle. Ma corvée terminé, j'allai lui ramassé une douzaine d'œufs frais dans le poulailler pour sa fameuse omelette faite de bœuf haché, d'oignons, de carotte et de tomate. A mon retour du poulailler, Ma Lyn et elle, telles des conspiratrices, étaient debout entrain de comploter dans un coin de la cuisine. Aucune des deux ne s'aperçurent de ma présence. Je regardais Ma, incapable de détacher mes yeux d'elle. C'était la première fois que je la voyais ainsi. Elle était agitée et semblait être à deux doigts de pleurer. Sa voix tremblotait lorsqu'elle répondait en chuchotant aux questions de la grosse Betsy. Leur conversation cessa net quand je demandais ce qu'il se passait. Elles échangèrent un regard avant que la grosse Betsy ne se précipite telle une sorcière touiller son chaudron et que Ma me réponde de m'occuper des affaires de ma maîtresse parce que de son coté tout allait bien. Je compris au ton de sa voix que le sujet était clos. Je préparai donc le petit déjeuner de ma maîtresse dans une atmosphère où l'on pouvait entendre une mouche volé. La grosse Betsy ne bougonnait plus. Mais que se passait-il à la fin?

Lorsque je montai dans la chambre de mademoiselle lui porter son petit-déjeuner, une autre surprise m'attendait. Je la trouvais en larmes. Elle avait fait un cauchemar. Entre deux sanglots elle réussit à m'expliquer avoir rêver de sa mère, qui je l'appris avec effroi s'était tuée dans un accident de calèche. Elle était inconsolable. Je soulevai alors l'édredon et m'étendis contre elle. La prenant dans mes bras je la consolai, lui chantant des mélodies de mon pays, de celles qui apaisaient l'âme. Je chantai longtemps en me demandant quand cette satanée journée allait prendre fin.


                                                                                             ***

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque je me redressai lentement de mon lit. J'essayais de limiter au maximum mes mouvements car la chambre était si petite qu'à la moindre gesticulation, je risquais de me cogner contre la cloison et réveiller mademoiselle. J'enfilai le pantalon et la chemise de Shakur, que j'avais soigneusement gardé cacher. Habillée comme ça, je pourrais facilement me déplacer dans la foret. J'étais leste et avais repris grâce aux plats de la grosse Betsy, le poids que j'avais perdu lors de ma captivité.

 Au bruit que faisait sa respiration, Mlle dormait profondément. Le mélange de camomille, miel, feuilles de corossol et racine de valériane que Ma Lyn lui avait administré pour calmer ses nerfs, avait du la terrasser. Déterminée à sauver ma peau, je récupérai le sac de nourriture sous mon lit, que j'attachais dans mon dos à l'aide d'une grosse ficelle, puis sortis de la chambre. Plus tôt dans la journée j'avais glisser à l'intérieur du sac une bourse pleine de pièces d'argent que j'avais dérober dans le bureau de ma maîtresse. On ne savait jamais. Peut-être qu'arrivé au port, je tomberais sur un capitaine de bateau, une sorte de bonne âme, un genre de pirate, que je supplierais de me prendre à bord de son navire monnayant finance. Certains d'entre eux n'étaient pas regardant. En lutte constante avec le gouvernement, ils acceptaient que des esclaves en fuite travaillent avec eux sur leur navire. 

Il y en avait un sur le bateau négrier qui nous avait emmenés à Palanques, Maé et moi. Enfin c'était ce que je croyais. C'était un gros homme chauve qui s'appelait Loop et qui était le cuisinier de l'Arabella. Le jour où le marin avait ôté mes fers, j'avais d'abord cru que je subirais le même sort que Niobé et nombre de mes compagnes, que j'offrirais du «réconfort» au capitaine. Mais quelle n'avait pas été ma stupeur lorsqu'à la place, le marin m'avait conduite dans les cuisine du navire. Me poussant rudement à l'intérieur de la pièce, il avait dit à Loop,

«Je t'ai dégotté celle-ci, elle t'aidera en attendant que le reste de l'équipage se remette.»

En effet, et ça je l'appris quelques minutes plus tard par Loop, une forte fièvre avait cloué au lit plus de la moitié de l'équipage, de ce fait, il avait besoin d'aide en cuisine. Au début j'avais pris Loop pour un esclave. Mais lorsqu'au bout de plusieurs jours, je lui demandai s'il lui serait possible de me donner des nouvelles d'un des captif en particulier, il m'avait répondu ne pas avoir accès aux captifs car il était un homme libre. J'étais resté muette d'abrutissement. Il m'avait expliquer ne pas être le seul. Qu'il existait de nombreux homme noirs libres comme lui ou anciens esclaves en fuitent qui travaillaient sur toute sorte de navires.

Ce jour-là il s'était penché vers moi en disant, «Je vais t' dire un secret, car je t'aime bien p'tite. Évite la marque du maître. A coup sur elle fait de toi un esclave et si t'es esclave c'est que t'es une marchandise et si t'es une marchandise c'est qu' ton nom est écrit quelque part dans un registre et tu s'ras jamais libre! Oublie jamais ça. Évite la marque du maître, car s'il te prenait l'envie de t'échapper, quiconque te trouvera, te ramènera à lui.»

Par la suite, Loop avait obtenu du capitaine que je reste dans les cuisines pour l'aider, même après que les hommes d'équipage se soient rétablis. Ce qui avait nourrit et exacerber la haine des autres captives à mon égard. Même Niobé ne m'adressait plus la parole lorsque je regagnais la cambuse la nuit. Mon travail auprès de Loop me permettait d'échapper aux sévices que les marins leurs faisaient subir chaque jour. Elles ne me pardonnèrent jamais cela. Grâce à la protection de Loop aucun marin n'avait posé ses sales mains sur moi et mon intégrité n'avait pas été ravit comme l'avait été plusieurs des leurs.

A pas de loup, je longeai le couloir. En passant devant la chambre de Mr Salvor je cessai de respirer. J'entrai dans la cuisine et traversai la dépendance pour me retrouver devant la porte fermée à clé. Je tâtonnai le coté droit du mur et décrochai la clé suspendu au crochet, puis l'insérai dans la serrure et tournai lentement. La porte s'ouvrit en grinçant légèrement. Remettant la clé à sa place, je sortis et refermai doucement derrière moi. 

La lune brillait, éclairant distinctement les alentours. Je respirai à fond l'air frais de la nuit et avec un mélange de peur et d'effroi, j'avançai sur le chemin le cœur battant comme un tambour.

Ma course folle vers la liberté commençait. 

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant