Chapitre 109

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Salvor

Je sortis de la maison, traversai le jardin et marchai d'un pas rapide sur le sentier qui menait à la buanderie comme dans un songe. Poussant la porte, je trouvai Ysaé qui empilait rageusement des draps propres dans un panier. Vêtue de sa tunique blanche, sa chevelure de lionne aux boucles ébènes était retenu par un ruban assortit. À mon arrivée, elle leva sur moi ses yeux hypnotiques et comme au moment où elle était entré dans la chambre de ma sœur, je fus frappé par sa beauté. 

Nous nous défions du regard, ses yeux noirs fourrageant les miens. 

Une petite voix me mit en garde, m'intimant de faire machine arrière, me conjurant de ne pas oublier mes résolutions. Seulement ces foutus questionnements me torturant à mort, mon inconscient refusa de se soumettre à la voix de la raison.

Je fixais Ysaé comme si elle était responsable de tous les malheurs de la terre. Et pour moi elle l'était bel et bien. Car à cause d'elle je me retrouvais dans la buanderie en proie à des questionnements au lieu d'être dans mon bureau à travailler tranquillement. Voyant que je l'observais de la sorte, elle baissa le visage. Je demeurai silencieux un long moment. Sous mes vêtements, mon corps se mettait à durcir. 

Cédant à une impulsion irréfléchie, je vins me camper devant elle. Son odeur me frappa de plein fouet. S'accrochant à moi, comme pour mieux me torturer et me forcer à me précipiter vers elle. Je cessai de respirer, et fermai les yeux, tentant de me reprendre, serrant les poings de toutes mes forces pour ne pas me transformer en bête sauvage et lui sauter dessus.

Jamais je n'avais ressenti un tel désir pour une femme. Aucune n'avait su éveiller d'émotion si vive en moi. Les deux années passés loin d'elle étaient elles la cause de cet emballement insensé? 

N'ayant plus la capacité de me retenir de respirer, je fus obligé de humer son odeur de vanille épicée et prenant conscience que si je restais près d'elle plus longtemps je ne pourrais résister à cette fièvre qui me gagnait en puissance, je rouvris les yeux et m'écartai d'un bond.

Surprise par la brusquerie de mon geste, Ysaé se crispa de plus belle.

-Est-ce que Waters t'a touché?

Se figeant à l'agressivité de ma voix, elle fut incapable de prononcer une parole.

-Waters, t'a t-il touché pendant mon absence? Vociférais je à son encontre.

-Personne ne m'a touché. Souffla t-elle, incrédule que je lui pose la question.

Je réussis à rester de marbre face au soulagement que me procura sa réponse. Mais lorsque mon regard bifurqua vers ses lèvres veloutées qu'elle grignotait de ses petites dents blanches, un vif élan de possessivité me vrilla les entrailles.

Elle m'appartenait bordel!

Est-ce que je l'avais oublié?!

M'efforçant de maîtriser ma respiration, je plongeai dans la profondeur des ses iris obscures. Depuis deux ans que je ne l'avais pas vu elle était devenue la perfection. Sa peau à la teinte chocolat mettait en valeur ses pupilles brillantes et ses cheveux aux boucles volumineuses qui lui donnait cet air sauvage qui m'avait frappé en plein cœur le jour où je l'avais vu parler (trop près) avec Shakur près des écuries, avaient poussés. 

Tout ce que je m'était évertué à discriminer chez elle pour ne pas succomber était pure hypocrisie de ma part. 

J'aimais tout. 

De la sombre brillance de sa peau, à ses cheveux crépus, à ses lèvres charnues, au huit que formaient ses hanches, à ses cuisses bombées, au creux qu'elle avait entre les jambes et à ses fesses rebondies. 

Une lueur étrange traversa son regard pendant que je détaillais de la sorte. Une lueur qui en un claquement de doigts passa de l'effarement à l'affolement. Sa cage thoracique se soulevant à répétitions révélait sa respiration haletante. Ma présence la mettait au supplice et elle semblait au bord de la crise de nerfs. C'était le spectacle le plus ravissant que j'avais jamais vu de toute ma vie. Le monstre en moi trépigna d'enthousiasme. 

Je la sentis se manifester, cette force invisible qui nous poussait l'un vers l'autre. C'était fort. Trop fort pour que je l'ignore. 

Alors je franchis la distance qui nous séparait en une enjambée et avec une infinie douceur, dégageai du cou d'Ysaé les cheveux qui me barraient le passage. Attrapant son menton avec mes doigts, je l'obligeai à me regarder en face. Ma main glissa pour saisir sa gorge délicate et mes doigts trouvèrent leur place autour de son cou au-dessus de ce satané pendentif en coquillage qui me narguait. Je ne pu réprimer le grognement torturé qui se forma au fond de ma gorge en constatant que je pourrais si aisément lui briser la nuque. Elle avait l'air encore plus belle comme cela, apeurée, fragile, haletante, à ma merci, comme un petit oiseau qu'on risquerait de blesser en l'attrapant.

Incapable de résister plus longtemps je posai mon autre main sur sa taille et la colla à moi. Sa chaleur m'enflamma direct et je me penchai dans l'intention de déposer délicatement mes lèvres sur les siennes, quand elle recula.

Le temps de plusieurs longues secondes nos yeux se soudèrent l'un à l'autre tandis que le bruit de nos respirations résonnaient dans le silence de la buanderie.

Et à ma plus grande perte, j'eus la certitude qu'il nous serait impossible d'en rester là. 

Dans un acte totalement insensé nos bouches s'imbriquèrent violemment l'une dans l'autre. Comme nourris par un feu ardent nos dents s'entrechoquèrent, nos lèvres se malmenèrent. Chacun était avide de s'emparer du souffle de l'autre pour pouvoir survivre ou peut-être bien, détruire l'autre. 

La langue d'Ysaé mit à genoux la mienne dans une danse frénétique. Je gémis sourdement dans sa bouche tellement c'était bon, tellement ça m'avait manqué. Je me mis à suçoter comme une friandise sa lèvre inférieure entre les miennes. Un éclair frappa la jonction de mes cuisses. Mon poing s'enfonça dans ses cheveux alors que mon autre bras la pressait avec dureté contre mon membre près d'explosé. Son contact m'incendiait, m'emportant au bord d'une douce folie. 

Plus rien ne comptait à part elle dans mes bras.

Brusquement, Ysaé s'arracha de mon corps.

Le vide fut si soudain et si douloureux, que j'eus la sensation d'être déchiré de l'intérieur.

Son goût savoureux était encore sur ma langue alors que la douleur du vide qu'elle venait d'instaurer en me repoussant brutalement, s'élargissait.

Elle hoqueta un sanglot tandis que le regard plein d'amertume qu'elle me lança éclairait ses yeux comme des pierres précieuses. 

M'abandonnant là, elle tourna les talons, se sauvant à toute vitesse, oubliant son panier remplit de linge.

L'esprit dans le flou, je pris cinq bonnes minutes pour comprendre que je devais quitter la buanderie à mon tour.  

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant