Chapitre 73

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Ysaé


Si durant la journée la foret pouvait paraître hospitalière, la nuit c'était tout autre chose. Tout semblait terrifiant. Les filaments de brouillard qui louvoyait entre les cimes des arbres, les cris des animaux nocturnes, le chant du vent dans les branches, le froid qui s'insinuait sous ma fine chemise de nuit et la lune lugubre qui donnait du relief à tout cela, creusait une angoisse lancinante qui me perforait les cotes. 

J'avançais derrière le destrier, pieds nus.

Mr Salvor quant à lui, dirigeant son cheval, continuait de s'enfoncer dans la foret.

Jusqu'où allait il comme cela ?

En tout cas lui a l'air de le savoir.

Je regardai autour de moi mais ne trouvai rien à quoi me raccrocher pour prendre des repères. Cette partie de la foret m'étant totalement inconnue. Plusieurs fois je trébuchai sur une pierre ou une racine. Mes pieds devenaient douloureux même si et ça je le voyais bien, Mr Salvor me ménageais en obligeant son destrier à marcher plutôt qu'à trotter.

Pourquoi l'appelais je toujours Mr Salvor, par ailleurs?

Parce que tu n'es pas encore prête à passer le cap dans ta tête, ma chérie. Même si tu adores le tutoyer avec ta bouches!

-Nous y sommes! Dit-il interrompant mes pensées, sautant d'un bon à bas de sa monture.

Devant moi se dressait...

Un horrible mausolée familial.

La bouffée de peur qui me parcourut toute entière trouva refuge dans mon ventre. Je tirai comme une forcenée sur la corde, cherchant à me libérer.

-Tu as peur, ricana t-il.

Je ne répondis pas, j'avais trop peur pour cela.

-Ne t'avais je pas dis que j'avais les moyens de te faire regretter de me désobéir?!

Mr Salvor détacha la corde qui me nouait les mains et posant sa grande main sur mon dos, me fit avancer vers la lourde porte du mausolée. Il sortit de sa poche une longue clé qu'il introduisit dans le verrou en fer forgé puis poussa la porte déverrouillée.

Lorsque je pénétrai dans le mausolée, je réalisai deux choses.

La première?

Que j'aurais mieux fait de ne pas désobéir à Mr Salvor.

Et la seconde?

Que j'aurais mieux fait de ne pas désobéir à Mr Salvor.

La pièce était sans fenêtre. A l'exception d'un soupirail haut placé à peine ouvert. Je n'avais aucune idée de la circonférence de l'endroit. Dans l'obscurité je ne pouvais pas voir sa longueur ni savoir si il existait d'autre pièces. Ce ne fut que grâce à la semi pénombre créée par l'ouverture de la porte que je remarquai le caveau au centre de la salle. 

Un hoquet m'échappa, et mes yeux se révulsèrent dans leur orbite. Une odeur de décomposition et d'humidité me prit à la gorge. Mon cœur accéléra méchamment comme si il réalisait avant moi ce qui allait se passer. 

Mr Salvor allait m'enfermer là. Il allait m'enfermer là avec un cadavre mort depuis je ne savais combien de temps.

C'était le prix à payer pour ma désobéissance.

Ma respiration se suspendit. Le choc et l'horreur de ma situation me tétanisa. Ayant développé une peur bleue pour les espaces confinés qui puaient le sang et la pourriture de la mort mon instinct enserré par la terreur me dicta de déguerpir.

Je n'attendis pas pour me précipiter vers la sortie, mais debout dans l'encadrement de la porte, Mr Salvor la referma avant que je ne sorte, me laissant dans le noir absolu.

-Non, criais je hystérique en martelant la porte de mes poings. S'il te plaît ne me laisse pas ici. S'il te plaaît...

La peur vive que je ressentais asséchait ma gorge. Pourtant je continuais de le supplier, de toute mes forces. Soudain la clé tourna dans la serrure, la poignée s'abaissa et il ouvrit la porte.

-Pitié, pleurai je. Ne me laisse pas ici, je t'en prie.

Il me scrutait avec un regard qui semblait venir tout droit des enfers.

-Tu restera ici cette nuit. Je viendrais te chercher demain matin.

-Noooon, hurlai je.

-Si tu ne voulais pas te retrouver ici tu n'avais qu'à m'obéir. La faute te revient!

Il souffla cela d'une traite, les mâchoires crispées, l'éclat de ses yeux ternis.

-Pitié, ne m'oblige pas à rester la dedans. J'obéirais, je le jure!

-Il est trop tard. Rien de ce que tu diras ne me feras changer d'avis. Tu as désobéis en toute connaissance de cause à mon ordre formel. Tu en paieras les conséquences. Point.

Son regard continua. Brûlant. Implacable. Intense.

-Pourquoi tu fais ça! Criai je.

-Parce que c'est comme ça! Voilà ce que ça te coûtera toutes les fois que tu refuseras d'être à moi. Cette discussion est terminée. Hurla t-il en claquant la porte et en la verrouillant.

Cette discussion? Mais pour qui il se...

Me retrouvant à nouveau dans le noir absolu, je hurlais en abattant mes poings contre le panneau de bois comme une folle.

Je hurlai longtemps, jusqu'à me déchirer les cordes vocales.

A bout de force, je glissai sur le sol incapable de tenir sur mes jambes flageolantes. Je vais mourir, chuchotai-je sous le choc.

Il ne peut...pas...t'a...band...donner là...Il ou...vri...vri...ra la...por...porte...essaya de me persuader ma compagne, morte de trouille. 

Mais il ne ré ouvrit pas la porte. Alors je me recroquevillai dans un coin. Mes lèvres étaient gercées et ma gorge me faisait souffrir d'avoir trop crier. Le carcan glacial qui régnait dans la pièce m'enveloppa et je me mis à trembler de tout mon corps. Les yeux écarquillés, j'essayais de percer l'épaisseur des ténèbres. 

Au bout d'un moment, je l'entendis. Le léger bruit. L'espèce de grattement. Rapidement d'autres bruits et d'autres grattements se firent entendre. Leurs échos voyageaient partout dans la pièce. Quelque chose grimpa sur moi. 

Puis une deuxième chose, Une troisième chose, Et une quatrième chose.

Des pattes velues et griffues m'écorchaient la peau.

Mon cœur explosa de peur. Je bondis et me cognai le front en tombant à plat ventre sur le sol. La terreur remplissait mes poumons. 

Poussant des cris silencieux, je lançai une multitude de coups dans le vide pour me débarrasser de ce qui grimpait sur moi. Rampant sur le ventre, je butai tête la première contre la base du caveau. Prise de panique, je me hissai avec l'énergie du désespoir sur la tombe du mort. 

Allongée là sur le couvercle froid en marbre, je versais toutes les larmes de mon corps persuadée que j'allais mourir ici toute seule dans l'obscurité.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant