Chapitre 51

72 10 0
                                    

Ysaé


-Demain c'est Obawa, dit Ma tout heureuse.

-C'est quoi Obawa, demandais je.

Nous étions dans la serre entrain de cueillir les plantes qui lui serviraient à confectionner ses remèdes.

-Obawa, énonça t-elle toute fière, est notre cérémonie. Lorsque nos ancêtres sont arrivés ici, ils n'avaient pas le droit de se marier, n'avaient pas de vie de famille, pas de jours de repos et ne pouvaient même pas pratiquer leur religion. Alors la majorité s'enfuyaient ou se suicidaient. Les maîtres pensant que les esclaves seraient plus enclins à rester s'ils menaient une vie plus décente, leur permirent pour certains, de se marier, d'avoir une vie de famille et de pratiquer un jour par an, une cérémonie en l'honneur de leur Dieu. C'est ce jour là que nous fêtons Obawa.

-Est-ce que tous les esclaves sont autorisés à fêter Obawa?

-Tout le monde fête Obawa. Aucun de nous n'a renoncer à nos traditions, même si il arrive que certains écoutent le révérend Myles quand il prêche tous les dimanches. Quand on fête Obawa, continua Ma, on met nos plus beaux habits. On prie, on chante et on danse. Quelques uns racontent d'anciennes légendes et d'autres des souvenirs. Tout le monde porte un petit quelque chose à manger. Mr De Brym est très généreux à cette période là. Il me permet de me servir à ma guise dans le garde manger à cette occasion.

-Est-ce que je pourrais y aller moi aussi?

-Mais bien sur que oui!

-Et si Mlle Lorys avait besoin de moi?

-Mlle Lorys n'est plus un bébé. Elle peut se passer de toi pour une nuit quand même!

-J'ai trop hâte, dis-je ravie.

Mlle me connaissait assez bien pour sentir dès que je pénétrai dans ses appartements, que je n'étais pas dans mon état normal. Distraite, je ne cessais de tourner en rond et parlais à tort et à travers. Bien décidée à en avoir le cœur net, elle m'interrogea

-Peux-tu bien me dire ce qu'il t'arrive aujourd'hui? Tu cours partout comme une poule à qui on aurait couper la tête!

-C'est que je suis toute excitée à l'idée de participer à mon premier Obawa, figurez vous.

-Je le savais! Dit-elle en tapant dans ses mains.

-Comment cela?

-Je ne saurais dire pourquoi mais à chaque fête de Obawa il règne une atmosphère particulièrement étrange sur la plantation.

-Ah oui?

-Oui. C'est une très belle fête. Tu as de la chance de pouvoir y aller.

-Vous en parlez comme si vous y êtes déjà aller.

-Lorsqu'il était enfant, mon frère faisait de grosses crises. Toutes les nuits il hurlait que des fantômes voulaient l'enfermer dans la tombe de notre mère.

A l'évocation du frère de Mlle, quelque chose palpita au creux de mon ventre. Mais refusant de me laisser aller à ressentir un quelconque attendrissement à son égard, je me forçai de reléguer au loin cette sensation qui pinçait méchamment mon cœur.

-Un jour Ma Lyn nous a emmener à la fête de Obawa pour que le Guérisseur prie pour lui, continua Mlle. Et étrangement sa prière avait réussit à calmer Salvor. Mais le Guérisseur avait dit à Ma que ce ne serait pas suffisant et que si l'on voulait que ce qui tourmentait mon frère s'en aille pour de bon, il fallait qu'elle le ramène un mois après Obawa pour qu'il effectue un rituel sacré sur lui. Le lendemain, mon père apprenant par le capitaine ce qu'il s'était passé, demanda à celui-ci de pendre le Guérisseur au sycomore après lui avoir couper les mains et la langue. Puis il  dit à Ma que si il la surprenait encore à nous emmener dans des cérémonies de sorcellerie, il n'hésiterait pas à fouetter Yakob, qui n'avait rien à voir dans toute cette histoire. Alors tu comprends que depuis ce jour là, Salvor et moi n'avons plus jamais remis les pieds dans une fête de Obawa!

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant