Chapitre 83

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Salvor

Une fine pluie crépitait sur le chemin du retour. Mais ma conversation avec Lennox me taraudait tellement que je ne sentais pas le crachin s'incruster dans mes cheveux et glisser sur mon manteau.

Mon ami croyait que j'étais amoureux.

Mais l'étais-je?

Indéniablement, le corps parfait d'Ysaé et ses baisers ardents provoquaient chez moi une excitation d'une telle férocité, que je m'effrayais presque.

Certes l'obsédant besoin de vouloir m'accaparer son être tout entier pouvait paraître excessif.

Mais pouvait-on aller jusqu'à qualifier cette dynamique au demeurant fort discutable d'ailleurs, d'amour?

Était-ce de l'amour ce besoin si désespéré d'elle, cette implacable exigence de la posséder?

Je ne le croyais pas.

D'ailleurs elle ne représentait rien à mes yeux, vu qu'elle était noire de peau et esclave de surcroît. Elle était juste ma propriété et j'étais réputé pour être un homme attaché à ses biens, voilà tout.

Au début, je n'avais pas pu m'empêcher de lui faire peur. Éprouvant le besoin dément de l'effrayer et de la terroriser. Mais bien vite j'avais préféré la humer et l'embrasser pour retourner à mon besoin dément premier de la terroriser.

Ce sentiment d'ambivalence signifiait il quelque chose? 

Soit.

Mais quand bien même tous ces phénomènes étranges s'étaient déroulés, fallait il pour autant aller jusqu'à les mettre sur le compte de l'amour?

Une chose était certaine je savais ne pas être fait pour cela.

Ma condition ne cessait de me le rappeler. J'étais destiné à mener une existence solitaire en gardant les gens le plus loin possible de moi tout en ayant le contrôle sur mes ennemis. J'étais voué à faire fructifier la fortune familiale en nouant des relations qui accroîtront le prestige de mon célèbre nom de famille et pour la violence que cela occasionnait quelques fois. Pour en arriver là, n'avais je pas du emprisonner cette partie de moi qui réclamait toujours l'amour de ma mère, même post mortem? Et cela ne m'avait-il pas obligé à vivre en lutte constante avec mes démons et mes cauchemars?

Je n'étais donc pas fait pour les caresses et les gémissements agréables d'Ysaé lorsque son corps se collait contre le mien. Ni pour les regards enfiévrés de désirs qu'elle posait sur moi. Pas plus que pour mon prénom qu'elle répétait au plus fort de l'extase telle une mélodie, ce qui semblait ébranler mon putain de cœur sans vie. 

L'amour n'était pas fait pour moi. Non, non et non! Ce n'était qu'une notion sans intérêt. Une chimère, psalmodier par des poètes menteurs pour égarer les âmes idiotes qui avaient la bêtise de croire en leurs fadaises. Je ne comprenais que la possession, rien d'autre! L'amour ne servait à rien. Il vous rendait faible et vous faisait souffrir. C'était une malédiction qu'il fallait redouter au lieu de le chercher à tout prix. Et confier son cœur à un autre être humain était un acte suicidaire pour ne pas dire carrément stupide!

Mais alors si tout cela était vrai, pourquoi étais je envahis par cette terrible sensation de vide quand Ysaé n'était pas près de moi? Pourquoi ressentais je mon cœur battre que quand elle me regardait?

Ces questionnements en rafale me frappant de plein fouet m'ébranlèrent. Prenant une grande inspiration, je tentais de me reprendre.

Je ne pouvais pas succomber à Ysaé.

Je ne devais pas succomber à Ysaé!

Cependant, mon esprit en désaccord total avec mes motivations intérieures, préféra s'égarer dans le souvenir des sensations qu'elle suscitait en moi. Son corps menu et chaud qu'elle pressait contre le mien, ses cheveux dans lesquels j'adorais accrocher mes doigts, ses petites paumes sur mon torse qui brûlaient ma peau. la douceur de ses lèvres, le goût de sa langue, mon membre serré par son étroitesse, glissant obsessionnellement dans sa moiteur, son visage pendant que je nous emmenais lentement vers l'orgasme...

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant