Chapitre 14

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Ysaé


Même si il faisait sombre dans les bois, le clair de lune me permettait de distinguer autour de moi. J'allais devoir marcher sans m'arrêter jusqu'au lever du jour. Il était primordial que je mette le plus de distance possible entre mes poursuivants et moi lorsque ma fuite serait découverte.

La liberté était à ma portée. Je pouvais la sentir s'agiter au fond de mes tripes. J'étais si euphorique que mon cœur donnait des coups de marteau dans ma cage thoracique. Je devais lutter pour pas m'évanouir. Mes pensées s'envolèrent vers Maé. Je n'avais aucune idée de ce qu'il était advenu de lui. Pourtant je me fis la promesse de le chercher à mon tour et de le retrouver. Il était tout pour moi, protecteur, chaleureux, aimant, fidèle, et je crevais de ne pas savoir où il était. La peur de ne pas parvenir à le retrouver me terrorisait, pourtant je devais essayer, c'était ne rien faire qui était insensé. Je pensais également à Ma Lyn, à Shakur, à Pa, et aussi à mademoiselle Lorys, à leur étonnement et peut-être même à leur tristesse quand ils apprendraient que je m'étais enfuie. Cela me fit beaucoup de peine mais ne me dissuada aucunement.

Soudain, je retins ma respiration. Des bruits de sabot martelaient le sol. Horrifiée, je constatai que le pan de route sur lequel je me trouvais me laissait complètement à découvert. Prenant donc la décision de traverser, je me réfugiai dans l'ombre d'un fourré. Cachée derrière un buisson, je ne bougeai pas, évaluant mes options. Le mieux pensais-je serait d'attendre le passage du cavalier. Voir dans quelle direction il se dirigerait.

Mais des secondes passèrent et peut-être même des minutes. Rien. Pas un bruit. Pas le moindre cavalier en vue.

Ma surcharge émotionnelle rendue à son paroxysme me rendait-elle folle?

Avais-je rêvée, toute éveillée?

Avais-je perdu la tète, à ce point?

Allons ma belle, ne nous laissons pas gagner par la panique!

Je fermai les yeux, essayant de calmer mon cœur fou. Et prenant une décision, d'un bon je me redressai et partis en courant. 

A peine avais-je fais quelques mètres que je m'arrêtai net. Au détour d'un virage, Mr Salvor perché sur son étalon à la robe aussi noir que la nuit me barrait le passage. Bien que je ne pu clairement distinguer son regard, je sentais ses yeux sur moi telle une lame de froid. Jamais encore je n'avais vu un homme comme lui. Grand, se tenant droit sur sa selle, son cheval et lui ne faisant qu'un. Ses larges épaules rejetées en arrière avec l'orgueil de celui qui a vaincu, rendait sa carrure encore plus impressionnante. Son immense destrier qui semblait vouloir me piétiner piaffait de colère empressé qu'il était de me marcher dessus. Ils avaient l'air de deux enragés qui avaient traversés milles vallées en feu, sans boire la moindre goutte d'eau. Mr Salvor rappela son cheval qui s'impatientait à l'ordre, d'un coup sec sur les rênes. Et alors que je le regardais, hébétée, il sauta d'une simple pression de ses puissantes cuisses à bas de sa monture en disant

-Tu n'aurais jamais du faire ça!

Mon cœur cessa de battre un instant. Puis repartit tout aussi vite. Retrouvant mes esprits, je balançai sur lui le sac de nourriture et partis en courant comme une dératée. Je l'entendis jurer derrière moi avant de se mettre à me poursuivre. La peur me submergeant, j'accélérai mes foulées. Je courais toujours, quand quelque chose me heurtant par derrière, me fis décoller de terre. Mr Salvor s'était abattu sur moi. L'impact de son corps sur le mien nous fit rouler sur quelques mètres où je terminai ma course en dessous de lui. Je voulu hurler mais devinant mon intention il m'enserra le cou avec une de ses larges mains. J'essayai de me libérer en me cabrant et tentai de lui labourer le bras avec mes ongles. 

Ma piètre tentative le fit éclater d'un rire diabolique.

-Arrête de résister, petite gazelle aux yeux noirs, l'entendis-je dire.

Je résistai de mon mieux, ravageant ses jambes avec mes pieds. Il ricanait toujours, alors en désespoir de cause je lui crachais au visage. Je le vis avec dégoût, lécher le jet de salive qui avait échoué sur le coin de sa bouche, et écarquillai les yeux de terreur lorsque je sentis son membre grossir contre mon ventre. Il augmenta la pression qu'il exerçait sur ma gorge. Mon cerveau se mit à tourner au ralentit. Mes muscles se firent coton et mes jambes ne se débattaient plus. 

Des taches sombres apparurent sous mes yeux et avant que je sombre doucement dans la nuit, je l'entendis dire

-Tu es sacrement surprenante pour une esclave.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant