Chapitre 47

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Salvor


Je décidai de prendre mon petit déjeuner dans la cuisine. Une première, qui chamboula littéralement les habitudes de la grosse Betsy, de Ma Lyn et surtout de mon esclave. Ma présence les rendaient nerveuses. Mais si les deux premières se remirent rapidement de leur surprise, ce ne fut pas le cas de la troisième qui renversa du lait et cassa deux tasses rien qu'en préparant le petit déjeuner de sa maîtresse. Tout cela sous le regard courroucé de la grosse Betsy qui bouillait de ne rien dire sûrement parce que j'étais dans les parages. 

Je dévorai tout ce que la cuisinière me servit. Après avoir engloutit deux parts de gâteau au citron, je dégustai deux tasses de café corsé puis avalai trois tranches de pain au beurre recouvert de confiture de goyave suivit par deux œufs à la coque et des fruits frais avec de la crème. Je n'avais jamais manger de si bon appétit. Si bien que Ma Lyn m'en fit la remarque en m'observant de son regard doré, surpris. 

Mais ce n'était pas seulement mon appétit qui avait changé. Au fond de moi le monstre tapit vibrait en permanence. Jamais encore je n'avais voulu de quelqu'un comme je voulais de l'esclave. j'en perdais presque la tête. Ma conscience qui s'était livrée à un duel acharné durant ces derniers jours, avait elle été battue à plate couture?

Le brasier allumé par l'esclave, qui enflammait mon bas-ventre, avait-il réduit en cendre toutes les réticences que j'éprouvais à son égard?

Bien sûr que j'aurais pu la forcer. La contraindre comme faisaient les maîtres la plupart du temps lorsqu'une de leurs captives les plaisait, et elle n'aurait pas eu d'autre choix que d'accepter. Mais étrangement, la bête enragée de douleur et de manque qui vivait à l'intérieur de moi me poussait à agir différemment.

C'était lui qui m'avait inciter à marquer l'esclave comme mienne, je le reconnaissais à présent. Et hier soir encore, c'était lui qui avait violemment revendiquer de posséder son être tout entier. Toute cette folie aurait du m'horrifier. Toutefois, le vide qui béait en moi n'étant composé que d'ombres, exigeait de se nourrir du feu de l'esclave, de son parfum envoûtant et de ses mélodies apaisantes qui éclairaient la brume étouffante dans laquelle ma psyché tourmentée me maintenait constamment enfermer.

De ce fait, je n'avais plus aucune motivation pour chercher à comprendre pourquoi l'esclave provoquait en moi des instincts extrêmement primitifs, des désirs d'une violence inouïes, que j'étais incapable de contrôler. 

Le corps rendu fiévreux par mes pensées secrètes, je me levai de table, ayant fort à faire. Hier dans l'après-midi, j'avais reçu une lettre de mon père me demandant de lui envoyer certains documents pour calmer les membres du conseil concernant une acquisition de plusieurs millions de sters qu'il souhaitait qu'ils approuvent. Mais avant de m'occuper de toute cette paperasse à la noix, j'avais quelques petits détails autrement plus urgent à régler. Notamment cette urgence de lit dans le pavillon. En sortant de la cuisine, j'aperçus comme par hasard Reynolds qui passait devant moi.

-Reynolds?

-Oui Monsieur.

-Justement c'est vous que je cherchais.

-Vous m'avez trouver, Monsieur.

-J'aurais un service à vous demander.

-Je vous écoute, Monsieur.

-J'aimerais que vous installiez un lit dans le pavillon.

-Un lit?

-Oui.

-Où cela, Monsieur?

-Dans le pavillon.

-Dans le pavillon?

-Oui.

-Un lit?

-Oui.

-Quel genre de lit, Monsieur?

-Comment ça quel genre de lit?

-Oui Monsieur, quel genre de lit voulez vous que j'installe dans le pavillon?

-Euh....un lit normal.

-Un lit normal?

-Oui. Un lit normal, de deux places.

-Dans le pavillon?

-Oui.

-Quand?

-Aujourd'hui?

-Aujourd'hui, Monsieur?

-A l'instant, si vous préférez!

-A l'instant?

-Oui.

-Ah...

-Ça vous pose un problème, Reynolds?

-Non Monsieur. Bien sur que non.

-Ne me dites pas qu'il n'y a pas de lit de deux place dans ce foutu manoir?

-Non, Monsieur.

-Non?!

-Oui. Euh non. Non je ne vous dirais pas qu'il n'y a pas de lit de deux place dans ce fou...dans ce manoir.

-Donc?

-Donc il y en a un.

-Donc mettez le dans le pavillon.

-Et que ferais je du lit?

-De quel lit parlez vous, Reynolds?

-Du lit qui est dans le pavillon avant que vous ne me demandiez de le remplacer par un lit normal de deux places, Monsieur.

-Ah! Ce n'est pas un lit c'est une banquette.

-Une banquette?

-Oui.

-Que ferais je de la banquette, Monsieur.

-Faites en ce que vous voulez!

-Ce que j'en veux?

-Oui! Bon Dieu Reynolds, vous me donnez mal à la tête de si bon matin, brûlez la s'il le faut!

-Toutes mes excuses Monsieur, loin de moi l'idée de vous incommoder de si bon matin, Monsieur Salvor.

-Reynolds?

-Oui, Monsieur.

-Puis-je compter sur votre discrétion?

-Cela va de soi, Monsieur.

-Je ne souhaiterais pas que tout le domaine soit au courant.

-De quoi, Monsieur?

-Du fait que je vous ai demander d'installer un lit dans le pavillon.

-Ne vous inquiétez pas Monsieur, je serais aussi discret qu'une ombre.

-Ce n'est certainement pas à moi de m'inquiéter, Reynolds.

-Bien entendu, Monsieur.

-Et ce serait certainement pas moi qui irait croupir dans un trou profond si cela se savait.

-Bien évidement, Monsieur...

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant