Chapitre 75

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Ysaé


J'étais à la cuisine en train de préparé le plateau de Mlle Lorys. 

Betsy, me tournant le dos s'occupait de faire cuire son omelette. Ma tête me faisait atrocement mal, comme si elle était prise dans un étau de bois. J'étais fatiguée...si fatiguée, que la possibilité de me rouler en boule dans un coin me tentait de plus en plus. 

Un bruit me tira de ma torpeur. C'était la grosse Betsy qui m'avait adressé la parole. Je fis si surprise que le couteau avec lequel je coupais des rondelles étoilées de carambole, dévia, évitant de justesse mes doigts.

-Fais attention! siffla t-elle en avançant vers moi pour déposer l'omelette aux fines herbes et au fromage sur l'assiette de Mlle.

Je me contentai de lever mon regard ahuris vers elle.

-J' disais, t'as pas dormis dans ton lit hier au soir!

Debout devant moi, elle croisa les bras sur son énorme poitrine, histoire d'entériner ce qu'elle venait de dire. Ne cherchant pas à gaspiller le peu d'énergie qu'il me restait en cherchant à savoir comment elle avait pu résoudre un tel mystère vu qu'elle dormait dans une minuscule case derrière la cuisine, je hochai simplement la tête.

-Viens t'asseoir là, dit-elle en me désignant une chaise.

Je la regardais sans comprendre.

-Viens t'asseoir, répéta t-elle, un air affligé peint sur ses traits.

J'obéis. Elle s'assit face à moi.

-Quand t'as eus tes dernières saignées?

Je ne su pas quoi lui répondre. J'avais du mal à réfléchir.

-Euh...sept jours ou...peut-être dix...je ne sais pas.

-T'inquiètes, lâcha t-elle en se levant.

S'emparant de la bouilloire, elle versa de l'eau chaude dans une tasse dans laquelle elle avait au préalable jeté quelques feuilles et morceaux de racines d'arbustes réduit en miette.

-Bois ça, dit-elle en me tendant la tasse.

-C'est quoi, soufflai je après avoir ingurgiter la boisson extrêmement amère, en grimaçant.

-C'est un thé de racine et de feuilles. C'est une protection. T'en boiras une tasse chaque fois qu' t'iras avec Mr Salvor.

Le feu me monta aux oreilles quand je compris où elle voulait en venir.

-C'est fait pour....soufflai je gênée.

-Exactement. Ça évite ce genre d' complications.

-C'est sans danger?

-Tu crois qu' je veux t' tuer ou quoi? D' toute façon c'est trop tard t'as déjà bu! T'as rien à craindre, dit-elle en riant. Si t'es pas convaincu, demande toi seulement pourquoi Shakur a pas pleins de p'tits frères et sœurs qui courent partout sur la plantation et t'auras ta réponse.

A fleur de peau, j'éclatai en sanglots.

-Qu'est-ce qui a encore, nom de dieu!

-Rien. C'est...juste que tu me parles à nouveau. Je croyais que toi aussi tu était fâchée contre moi, hoquetai je.

-J' t'en voulais pas petite, lâcha t-elle en poussant un énorme soupir. C'est qu' Shakur est comme un fils pour moi et qu' j'ai peur qui lui arrive malheur. J' sais bien qu' t'y es pour rien dans toute cette histoire. C'est c' qui arrive à toutes les esclaves qui sont trop belle pour leu malheur.

-Tu crois que Shakur reviendra saint et sauf? Reniflai je, sans relever l'ignominie de sa dernière phrase.

-Il reviendra sain et sauf et enragé. Et c'est ça qui m'inquiètes. Shakur est pas comme Pa, jamais il acceptera qu' Mr Salvor, tout maître qu'il soit, t'arrache à lui!

-Dans combien de temps penses tu qu'il va revenir?

-Il est partit pour Loupé, à mon avis il s'ra là dans un peu plus d'un mois.

-Un peu plus d'un mois?

-Ouais, et tout ce temps-là ne fera qu'augmenter sa rage!

J'eus envie de tout avouer à Betsy. De lui dire qu'elle et Ma n'auraient plus à s'inquiéter. Que Shakur et moi avions pour projet de marronner et qu'à son retour de Loupé je le persuaderais de ne pas attendre pour nous enfuir. Mais quelque chose m'empêcha de me confier à elle et je mordis en plein dans ma joue pour ne pas craquer. Me levant, j'allai la prendre dans mes bras et l'embrassai sur la joue.

-Pourquoi tu m' colles comme ça, lâcha t-elle d'un ton bourru en se dégageant. Tu m' rends chaud. Va plutôt servir le petit-déjeuner de Mlle. Son omelette est déjà toute froide. T'es de la chance qu' ta maîtresse soit pas regardante sur ce genre d' chose!

Alors que je m'apprêtai à sortir de la cuisine elle me lança

-Donne du temps à Ma. Et tout reviendra comme avant tu verras. Donne lui juste un peu d' temps.

Je sortis après lui avoir adresser le plus radieux des sourires.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant