Chapitre 28

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Salvor


Cela faisait plus de trois quart d'heures que je tournais en rond devant la porte du hangar. Exactement comme le hamster enfermé dans une cage que j'avais aperçu un jour au marché de Debourg quand j'étais enfant et qui m'avait tant fasciné par son flagrant manque de jugeote.

Comment avais-je pu laisser la situation m'échapper de la sorte?

Pourtant l'art de faire cracher le morceau me connaissais. Demandez à Marcus dont le cadavre tapissait le fond du fleuve!

Pourquoi éprouvais-je un tel intérêt pour cette esclave?

Et comment pouvait-elle provoquer tant de remous en moi?

C'était incompréhensible.

Mon esprit ne semblait plus vouloir fonctionner correctement lorsque je me trouvais en sa présence.

Je l'avais embrassé, nom de dieu!

Quelle était donc cet envoûtement?

Je me frottai furieusement le visage.

J'avais honte!

Oui, terriblement honte. De m'être laisser aller comme je l'avais fait. 

Tout cela c'était à cause d'elle. Mon animosité à son égard s'enflamma de plus belle.

N'était-il pas temps de mettre fin à cette plaisanterie de mauvais goût au lieu de rester là à tourner en rond? 

Un moment de flottement ponctua ma décision. M'efforçant de brider mes sens, j'entrai à nouveau dans le hangar. L'esclave, la tête penché vers l'avant était sans réaction. Pourtant à peine avais-je pénétrer dans la pièce qu'elle se redressa comme si elle s'attendait à me voir. Le feu de la haine ravageait ses yeux sombres. Tant mieux, pensais-je, parce que un instant j'ai crus que je m'étais fourvoyé dans les grandes largeurs. 

Lorsqu'elle aperçu le poignard dans ma main, le bruit de sa respiration saccadé emplit la salle. Je m'approchai d'elle et réalisai que j'étais trop prêt lorsque des frissons se mirent à cascader le long de mon échine. Son parfum brouillait mon esprit. Je m'ébrouai pour m'éclaircir les idées puis sectionnant d'un seul coup la corde qui la retenait, je reculai promptement, rétablissant ainsi une distance sécurisante entre nous deux. 

Incapable de tenir sur ses jambes elle s'écroula par terre de tout son poids. Ne pouvant plus m'approcher d'elle sans que mon cœur ne me donne l'impression d'exploser dans ma poitrine, j'abandonnai là mon projet d'interrogatoire pour une occasion plus favorable et me dépêchai de sortir du hangar, laissant l'esclave étendue là sur le sol empaillé.

Je rejoignis ma chambre les jambes en coton. En retirant mes vêtements, je récupérai son bandeau bleu dans ma poche. Je ne savais pas pourquoi mais je l'avais volé. Le tissu doux sous mes doigts portait son parfum. Je le humai. Profondément. L'image d'elle accrochée se tortillant me revient à nouveau en mémoire. Elle avait l'air si...

Je réprimai aussitôt cette pensée. Rangeant prestement le bandeau dans le tiroir de ma table de chevet, je partis prendre une douche froide. Le monstre en moi avait besoin d'être calmé. Mais la vasque en hauteur dans laquelle Shakur était censé avoir stocker l'eau, était vide. Bordel. Il serait temps que celui-la s'acquitte correctement de ses corvées au lieu de jouer au jolis cœurs auprès des esclaves. Faisant de mauvaise fortune bon cœur, je me contentai de me rafraîchir avec l'eau du broc. Vêtu uniquement d'un caleçon long, je délaissai mon lit au profit de ma méridienne en m'allongeant dessus. 

Personne encore n'avait jamais tenté de me mettre un coup dans les parties. Personne. Pourtant elle l'avait fait. Agissant sans doute ainsi parce qu'elle n'avait pas eu le choix. Telle une proie acculée dans un coin par un prédateur, elle avait choisit de se défendre. Levant les yeux au plafond, je passai ma main dans mes cheveux, puis éclatai de rire pour la première fois depuis bien longtemps. C'était complètement fou mais j'avais trouvé cette petite confrontation avec ma petite gazelle...

Dès plus plaisante.

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant