Chapitre 120

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Salvor

Après plusieurs secondes enfouit en elle, je me retirai et retombai sur le dos dans les draps. 

Elle resta couchée là où je l'avais pilonné de toutes mes forces. 

Un bras passé derrière la tête, les yeux fixés au plafond tentant de réguler mon souffle, j'attendais patiemment. 

Au bout de longues minutes le matelas bougea enfin, et son corps entra en contact avec le mien. Posant sa tête au creux de mon épaule, elle glissa sa jambe entre mes cuisses. 

Je soupirai de contentement.

Il était de ce sentiment que l'on ne pouvait qualifier, qui liait de manière si indéfectible deux êtres qu'il transcendait tous ce qui les divisaient. Il prenait sa source dans le mystère et se déversait dans l'âme comme un torrent ravageur, balayant tout, s'infiltrant dans chaque fissure de l'être, chaque cellule du corps, imprégnant le sang, n'épargnant ni les pensées ni le cœur à tel point que rien pas même ceux qui éprouvait ce sentiment inqualifiable, étaient capable de l'annihiler.

Alors même que j'entendais les battements précipités du cœur d'Ysaé contre mon torse et respirai son odeur de vanille épicé, je fus conscient que notre amour n'entrait dans aucune catégorie et défiait tous les protocoles. 

J'avais développé de puissants sentiments pour elle. Dévastateurs. Qui me pousserait si je devais la perdre, à commettre l'impensable pour la garder. 

Je ne savais pas quand tout avait basculé. Quand nous étions passés de maître à esclave qui couchaient ensemble à ce que nous partagions maintenant. Ce qui était sur, un feu Grégeois s'était embrasé consumant tout sur son passage. Il m'était inconcevable de ne plus l'avoir auprès de moi. Elle m'appartenait, corps et âme. Et faire l'amour avec elle ce soir en sachant qu'elle aussi avait finit par le comprendre et l'accepter, me donnait le sentiment d'arriver à l'endroit que je cherchais à atteindre depuis si longtemps. 

Me tournant sur le coté face à elle je l'aidai à ôter sa tunique par la tête et posant une main au creux de ses reins, la rapprochai de moi. Pour la première fois, je laissai le bout de mes doigts parcourir lentement, délicatement, précautionneusement, chaque balafre de coup de fouet inscrit dans sa chair. 

Je m'autorisai à faire cela. Pendant de longues minutes. 

Parcourant chaque marque, chaque boursouflure, chaque sillon, dans le silence le plus absolu.

-Pardon...

J'avais murmuré ce mot.

Pas pour mon attitude concernant Phil, je le tuerais à coup sûr s'il osait s'approcher d'elle à nouveau c'était un fait certain. Pas non plus pour ma jalousie maladive, il n'y avait pas de remède à ma folie. Mais pour tout ce que les hommes de ma race lui avaient fait subir en lui infligeant ces terribles sévices pour mieux la réduire en esclavage.

 Oui, c'était pour cela et uniquement pour cela que je lui demandais son pardon.

 Au moment où Ysaé prit pleinement conscience de la portée de mon action, elle se raidit dans mes bras comme un morceau de bois pendant d'insoutenables secondes. 

Et lorsqu'elle jeta son visage contre mon torse, étouffant de gros sanglots déchirants, un énorme râle de soulagement s'échappa de ma poitrine. 

Tout était dit sur ce sujet en ce qui nous concernait. Nous n'y reviendrons plus. 

Elle savait que c'était par amour pour elle. Il n'y avait pas besoin de grande envolée lyriques pour exprimer que j'exécrais de tout mon être ce qu'une partie de mon peuple avait fait et faisait encore à son peuple. 

Je lui avais demandé son pardon du fond de mon cœur pour cela. Et elle me l'avait accordé en sachant que désormais j'étais disposé, à mon humble niveau, quitte à me dresser contre l'ordre social établit, à faire tout ce qui était en mon pouvoir pour aider au mieux les siens.

Mon sceau scellait son épaule.

Mon poinçon imprimait son cou.

Ma semence tapissait son antre.

Mon initial trônait majestueusement au creux de ses seins.

Son âme était devenue la mienne.

Elle était à moi.

De toutes les manières possibles et imaginables.

Personne d'autre que moi ne la posséderait ainsi.

Je venais de m'en assurer, ce soir.

Fermant les yeux, je m'endormis, l'esprit et le cœur apaisés.  

YsaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant