Whitechapel
« La figure de Jack l'Éventreur est absolument légendaire. Nul ne l'a jamais vu, ou plutôt les personnes qui l'ont vu n'ont jamais pu le décrire car on a retrouvé que leurs corps, horriblement mutilés. »
Robert Desnos, Jack l'Éventreur
Le lendemain matin, Jane se réveilla assez tard contrairement à son habitude. La nuit avait été longue, et son sommeil agité.
Elle avait rêvé d'un homme vêtu d'une cape noire et d'un haut de forme. Son visage était caché, mais sous ses vêtements se trouvait un plastron d'un blanc immaculé qui perçait la noirceur de la nuit. Il portait des gants sombres, se déplaçait d'une façon aérienne. C'était à peine si on l'entendait. Sa longue cape ondulait à chacun de ses pas lui donnant l'air d'une ombre vacillante dans l'obscurité. Au cœur du silence et de la nuit noire, il semblait presque se mêler du décor. Plus loin, un rire grotesque troublait le silence. Au fur et à mesure que l'homme en noir s'en approchait, le son s'amplifiait. Une atmosphère lourde flottait dans les airs, comme avant une journée d'orage.
Sous un lampadaire, une jeune femme à peine plus âgée que Julie se tenait d'une façon aguicheuse. La jupe relevée sur une cuisse ferme et le châle ouvert sur une gorge brune. Elle rejeta la tête en arrière, son sourire provocateur lui donnait quelque chose de vulgaire. Ses cheveux bruns tombaient sur ses épaules nues et ses yeux de biches scrutaient l'horizon. Quand l'homme en noir s'approcha d'elle, ses lèvres rouges se fendirent en un sourire coquin. Ils échangèrent quelques mots que Jane ne put entendre. Alors l'homme offrit galamment son bras à la jeune femme tel un gentleman et, ainsi, ils disparurent au coin de la rue.
Jane voulut les rattraper seulement un poids la retenait. Tandis qu'elle s'efforçait d'avancer, les rires cessèrent brutalement et un silence de plomb tomba. Jane se figea, son sang ne fit qu'un tour, son cœur battait à tout rompre dans ses tempes. Un vertige la saisit et elle eut un malaise, s'écroula à terre, haletante. Mais avant de fermer les yeux, un corbeau se posa à côté d'elle.
Quand elle s'échappa de son cauchemar, ses draps étaient trempés et des gouttes de sueur perlaient sur son front. Sa respiration était saccadée, ses oreilles bourdonnaient et sa tête l'élançait. Les rayons du jour qui traversaient ses rideaux la forcèrent à se redresser sur son lit. Tant bien que mal elle chercha un point à fixer afin de se concentrer et s'apaiser. Quand le tambourinement dans sa tête eut cessé, elle rassembla ses forces pour se tirer hors de son lit.
Elle se dirigea lentement vers la fenêtre et écarta un rideau, curieuse. Le soleil brillait déjà haut dans le ciel. « Il doit être aux alentours de dix heure » songea-t-elle. Lentement elle se dirigea vers sa baignoire, juste derrière un grand paravent au fond de sa chambre au parquet froid et au plafond trop haut.
Les murs étaient recouverts d'une tapisserie aux arabesques taupes pâles. Les meubles en ébènes étaient d'une certaine simplicité mais nullement dépourvus de charme au même titre que l'édredon bordeaux qui mettait en valeur le lit à baldaquin. Les couleurs sombres de sa chambre ne la gênaient pas, bien qu'elle préférât tout de même la clarté du bureau de son oncle où elle passait presque tout son temps autrefois. Mais ceci, c'était avant la mort de ce dernier.
Béatrice, la femme de chambre, entra au même moment avec une cruche d'eau fumante.
– Avez-vous choisi la robe que vous désirez porter aujourd'hui mademoiselle ? demanda-t-elle.
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Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Historical FictionAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...