Chapitre 12 (1) (corrigé)

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Pris la main dans le sac !

« Faites votre destin, âmes désordonnées,

et fuyez l'infini que vous portez en vous. »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal


Une rue déserte. Ce fut la première chose que Jane vit lorsqu'elle ouvrit les yeux. Les membres ankylosés, elle se releva péniblement sur le pavé et frissonna, la chaleur insupportable l'ayant désertée, elle serra ses bras contre elle pour tenter de se réchauffer tandis qu'elle jetait des regards inquiets autour d'elle. Will avait disparu. Elle l'appela plusieurs fois sans qu'aucune réponse ne lui parvienne. Seul le silence angoissant se manifesta. Prenant peu à peu conscience de tout ce qui l'entourait, elle sut qu'il fallait qu'elle bouge, qu'elle avance, il ne fallait surtout pas qu'elle reste immobile alors qu'elle tremblait de froid sous sa cape. Rompant la quiétude de la nuit, un croassement attira son attention. Le corbeau noir virevoltait au-dessus de sa tête, elle sut alors qu'elle devait être en train de rêver. Pourquoi diable avait-elle perdu connaissance ? Elle ne pouvait pas se payer le luxe rester inconsciente, il fallait qu'elle se réveille, et au plus vite !

Des bruits de pas claquant contre les pavés humides l'obligèrent à faire volteface, un individu se lançait dans une course effrénée dans Commercial Road. Encore désorientée, la jeune fille ne put apercevoir qu'une ombre floue percer l'obscurité au loin. Prenant son courage à deux mains elle s'élança à la poursuite de son fuyard. « Qu'est-ce que je risque ? Je suis bien en train de rêver après tout, non ? » Se dit-elle.

Elle longea New Road à pas de loup, le clapotis de l'eau coulant du toit d'une vieille maison rythmant les battements rapides de son cœur. Quand elle déboucha sur Commercial Road, elle scruta les environs de la rue. Elle était déserte. Un silence de mort régnait dans ce paysage désolé. Un tas informe attira son attention et alors que son instinct lui criait ce qu'elle savait déjà, elle se dirigea lentement, mue par une force inconnue, vers l'objet de sa curiosité pour y découvrir le pire.

Une femme, dans une toilette jaune criarde gisait à même le pavé glacé, égorgée comme un animal, éventrée de la poitrine jusqu'au bas ventre par une coupure nette et propre, d'où s'écoulait une cascade pourpre empreinte d'une odeur de rouille. La vie venait de lui être ôtée récemment.

Un cri resta bloqué dans sa gorge telle une pierre douloureuse. Elle sentit des larmes picoter ses yeux lorsqu'elle entendit une voix lointaine prononcer son nom.

– Jane ?

Elle leva les yeux de la vision dantesque qui reposait à ses pieds pour rencontrer le bleu réconfortant des prunelles de Will. Il la scrutait, l'air fort inquiet. La jeune fille ne répondit pas, jamais encore l'Irlandais n'avait figuré parmi ses songes, ou du moins, pas dans de tels songes...

– Jane, je vous en prie. Réveillez-vous ! l'entendit-elle crier.

Ses yeux la piquaient mais elle finit enfin par les ouvrir. Elle émergea de ce qui lui semblait être un long voyage, les membres engourdis, une sueur glacée collant ses mèches rebelles à ses tempes. Elle croyait flotter et cette sensation lui conféra un certain bien-être. Le brouillard dans son esprit se dissipait lentement, le voile flou qui obstruait sa vision se déchira progressivement, dévoilant Will qui la scrutait, l'air terriblement angoissé, la soutenant fermement dans ses bras contre lui.

– Jane ? Que se passe-t-il ? Répondez-moi, vous-allez bien ? Jane...?

Alors qu'elle reprenait peu à peu ses esprits, il écarta une mèche de son visage, avec douceur, ce fut à peine s'il effleura sa peau.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant