Chapitre 7 (1) (corrigé)

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Memento Mori

« Vanité, vanité, tout n'est que vanité !

Puis je songeais : où sont les cendres du Psalmiste ? »

Jule Laforgue, Soir de carnaval

Deux bruits secs sortirent William de sa léthargie. Le jeune homme s'éveilla dans un soubresaut. La nuit avait été courte pour lui, elle avait filé au rythme de l'alcool qui avait glissé dans sa gorge comme un venin pernicieux. Après avoir quitté Jane, il s'en était allé errer comme une âme en peine dans les ruelles de l'East End. Au cours de son périple il avait bu quelques verres et s'était assis près des rives de la Tamise, tout en philosophant sur le monde qui l'entourait. « On a l'esprit plus ouvert après un verre d'absinthe. » S'était-il dit. Et pour cause, ses sorties nocturnes à voir le monde évoluer avaient nourri sa connaissance du genre humain en ce qu'il avait de plus malsain, et faisait de lui un être érudit en la matière. Si bien qu'il savait avec exactitude à quel point l'âme de l'homme avait la noirceur d'un fruit pourrit.

Les coups contre la porte se firent plus pressants. Cela ne pouvait être Jane, après leur escapade nocturne, la jeune fille devait encore dormir comme un bébé à cette heure-ci. Alors qui diable était-ce ? Les cognements contre sa porte agacèrent le jeune homme qui puisa dans ses forces pour se lever et se traîner lascivement jusqu'à sa porte. Il enfila une large chemine en toile avant d'ouvrir à cet invité indésirable qui avait osé le tirer de son profond sommeil.

– Mon Dieu c'est une catastrophe !

À peine eut-il ouvert sa porte que Jane déboula dans sa chambre comme si elle avait appris que la fin du monde était proche, et à la voir s'agiter de la sorte il semblait en être question. William soupira en la voyant débarquer ainsi chez lui dans tous ses états. « Si j'avais su, je l'aurais tenue éveillée toute la soirée. Mais ne dort-elle donc jamais ? »

– William, l'heure est grave !

– Bonjour, oui j'ai très bien dormis merci, c'est très aimable de vous préoccuper de moi.

– Will, le moment n'est pas à la plaisanterie. Nous avons un problème ! paniqua-t-elle.

– Vous êtes tellement charmante de si bon matin. Puis-je savoir ce qui vous occasionne tant de tracas ? demanda-t-il calmement.

– Ce qui m'occasionne tant de tracas ? J'ai des raisons de m'inquiéter ! Tenez ! (Elle brandit la Une du Daily Telegraph sous le nez du jeune homme.) Quelqu'un s'est infiltré dans les locaux de Scotland Yard cette nuit et à volé les lettres ! NOS lettres ! Regardez ! (elle colla presque le journal contre le visage de Will qui eut envie de la jeter par la fenêtre.)

– Je vois ! Je vois ! Pas la peine de me le coller à la figure ! s'exaspéra-t-il. Asseyez-vous, dit-il en désignant une des chaises de la table. Et clamez-vous pour l'amour du Ciel, vous me donnez mal à la tête à crier partout.

Jane s'exécuta tant bien que mal en dépit de la panique qui lui donnait des fourmis dans les jambes. William disparut en grommelant comme un ours mal léché dans la pièce voisine. Quand il revint il jeta avec désinvolture une chemise en cuir sur la table.

– Arrêtez donc de vous agiter inutilement et regardez, lui suggéra l'Irlandais.

Jane ne se fit pas prier et bondit presque sur la chemise en cuir que Will lui tendait, incapable de réfréner sa curiosité, l'œil pétillant et les mains tremblant d'impatience.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant