L'interrogatoire commença par des questions simples, histoire de mettre Venera en confiance. Un moment où Jane en profita pour reporter toute son attention sur la maquerelle.
La bonne femme gardait son regard braqué sur la jeune blonde qui discutait innocemment avec Simon. Marga tirait nerveusement sur sa cigarette et Jane remarqua que son pied ne cessait de frapper doucement le som tandis que ses doigts tapotaient impatiemment le dossier d'un des voltaires. Cette Venera devait être très importante pour cette femme. L'on aurait dit une lionne qui guettait anxieusement son petit près d'un animal féroce, prête à bondir en cas de danger. Marga n'agissait pas comme cela avec Timia, et si elle n'agissait pas ainsi avec une autre fille du Boudoir, il y avait très peu de chance qu'elle se comporte ainsi avec les autres !
Jane se demanda ce que cette jeune personne pouvait avoir de si spécial pour susciter autant d'émoi chez cette femme à l'allure impartiale.
- Y aurait-il un de vos clients de ces derniers mois qui aurait pu retenir votre attention ? l'interrogea Simon.
- Non, je ne crois pas, répondit Venera de sa voix fluette. Quoi que... Attendez. Oui... Oui il y a bien quelqu'un.
Les mots eurent à peine franchit les lèvres de la jeune Venera que trois paires d'yeux se braquèrent instantanément sur elle. Si Jane et Marga eurent été des chats, leurs oreilles se seraient immédiatement dressées. Simon perçut que la jeune courtisane avait réussi à attirer toute l'attention sur elle en une seule question. Et s'il comprit l'intérêt de Jane, il ne parvint pas à interpréter celui de la maquerelle.
- Et voulez-vous bien me le décrire ? reprit prudemment le journaliste.
- Oui bien sûr ! Ce n'était pas mon client qui m'a le plus marquée, mais bien l'homme qui l'accompagnait. Enfin... Il ne l'accompagnait pas vraiment, parce qu'il gardait ses distances. C'était peut-être son garde du corps ? Il n'a rien mangé et n'a parlé à aucune fille, il a seulement bu un verre. Du Brandy je crois ? Enfin peu importe, se reprit-elle en touchant nerveusement ses cheveux.
Jane la trouva fine observatrice, pour quelqu'un d'aussi jeune et censée s'occuper d'un riche client. Qu'avait donc cet individu de si particulier pour attirer son attention de la sorte ?
- C'était un étranger je crois... Il était beaucoup plus jeune que mon client, plutôt grand, des cheveux foncés, presque noirs, et un regard... C'était le plus beau regard que j'ai jamais vu ! s'extasia amoureusement Venera. Des yeux d'une couleur extraordinaire !
La description que fit la courtisane eut le don de figer Jane. Un nom lui vint immédiatement à l'esprit. Un nom qu'elle aurait préféré oublier tant il était douloureux dans ses souvenirs. « C'est impossible. »
- William O'Brien... souffla Jane.
Le nom de l'inconnu eut des effets différents sur chacun, et Jane les observa tour à tour ; Marga darda un œil féroce sur le trio, Simon arqua un sourcil avant de reporter son attention sur Venera, pour analyser la réaction de celle-ci, mais la jeune fille fronça les sourcils, sa mignonne figure interpellée par le nom, elle secoua lentement la tête.
- Non, ce nom ne me dit rien. Il s'appelait Alexander Clifford, la corrigea Venera.
Et à la vue de son petit air sérieux, les deux acolytes surent qu'elle disait la vérité.
Quelque chose se brisa en Jane, quelque chose de discret, comme une vieille blessure qui ne cicatrisera jamais. Une incantation maléfique qui souillait sa conscience et son cœur.
Cependant quelque chose n'avait pas échappé à la petite demoiselle en dépit du chagrin qui l'occupait encore, c'était la main de Marga qui s'était crispée lorsqu'elle avait entendu le nom de William O'Brien.
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Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Historical FictionAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...