Le soleil commençait à peine à poindre à l'horizon lorsque Jane sentit qu'on lui touchait l'épaule. Elle s'éveilla, épuisée de son sommeil sans rêves. La jeune fille avait sombré après des heures d'inquiétude et puisqu'elle avait refusé de se reposer, on l'avait obligée au moins à se laver la figure et à subir une auscultation minutieuse. Seulement les blessures de Jane ne se trouvaient pas tant sur son corps, mais bien dans son cœur et son esprit qui se flagellait de remords. Son supplice ne faisait que l'affaiblir davantage, infini comme un long corridor sombre dont elle avait l'impression qu'elle ne sortirait jamais.
On avait posé une couverture sur ses épaules pour éviter qu'elle n'attrape froid, mais elle frissonna tout de même lorsqu'elle sortit de sa léthargie. La première chose qu'elle vit fut un Simon Palmer aux cernes marqués, une mine indubitablement fatiguée.
- Comment va-t-il ? l'interrogea Simon.
Le journaliste s'était accroupi face à Jane et la détaillait, l'air inquiet.
- Je ne sais pas... On refuse de me dire quoi que ce soit... avoua la jeune fille d'une voix éraillée d'avoir trop pleuré, elle serra sa couverture contre elle. J'espère qu'il va se réveiller bientôt.
- Je l'espère aussi.
Il demanda à Jane l'autorisation de s'asseoir à côté d'elle, ce qu'elle lui donnât. Simon inspira, las, il n'avait pas beaucoup dormi cette nuit. Il frotta son visage et ses yeux rougis par le manque de sommeil. Son esprit perspicace de journaliste ne l'avait pas quitté une seule seconde depuis qu'il avait trouvé Jane et Will dans l'entrepôt. Il avait trouvé inconvenant de l'assaillir de question dans l'immédiat mais à présent, il désirait obtenir des réponses.
- Miss Warren, vous êtes libre de refuser mais... J'aimerais que vous m'éclairiez sur quelques points, si vous le voulez bien.
Jane lui jeta un drôle de regard, ses iris bleus-grises le dévisagèrent, mais Simon savait que ces prunelles habitaient tout un monde de secrets, et il comptait bien les découvrir. Elle hésita, la situation n'avait franchement rien de propice à cela. Mais après tout, elle lui devait bien cela, ce serait grâce à lui si Will s'en sortait.
- Je vous écoute, Mr Palmer.
- Que s'est passé ?
Il y eut un silence avant que la jeune fille ne décide de se laisser aller aux confessions.
- Je savais qui allait être la prochaine victime de Jack l'Éventreur, avoua Jane de but en blanc. (Devant cette révélation qui illumina le visage de Simon, elle s'empressa de devancer sa question.) J'ai mes sources moi aussi, Mr Palmer. J'ai alors décidé de me déguiser pour tendre un piège à Jack. Je pensais que si je parvenais à le prendre la main dans le sac... J'avais tous les moyens à disposition pour le faire. (Et comme pour imager ses paroles, elle sortit le revolver volé qu'elle avait caché à sa ceinture sous le regard écarquillé du journaliste.) Malheureusement rien ne s'est passé comme prévu... Capucine Green est morte... Je n'ai rien pu faire...
Le regard de la demoiselle se perdit dans le vide. Elle venait de prendre conscience de son échec, ou plutôt de ses lamentables tentatives miséreuses qui n'ont fait que lui créer des problèmes. Capucine Green était morte. Jack l'Éventreur enfuit ou mort, Will dans un état critique, et elle avait bien failli y laisser la vie. Cette dernière pensée la bouleversa. Elle avait failli mourir. Si Will ne l'avait pas poussée, elle serait sans doute à la morgue à l'heure qu'il était.
Elle sentit les larmes piquer de nouveau ses yeux. Alors elle inspira un grand coup, afin de retenir ces détestables petites gouttes d'eau salées qui menaçaient de dévaler ses joues à tout moment. Il était absolument hors de question qu'elle se laisse aller, qu'elle montre un quelconque signe de faiblesse. Jane se focalisa donc sur le blanc aveuglant de ses bandages pour dompter sa faiblesse et reprit son récit.
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Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Historical FictionAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...