Il lui avait fallu un certain temps pour se remettre de ses émotions. Elle n'avait de ce fait même pas cherché à en découvrir davantage, déboussolée par cette découverte glaçante. Nokomis avait vu juste, elle lui avait livré le nom de la victime. Comment ? Comment diable avait-elle su ? Et si Will avait raison, et si elle était impliquée de près ou de loin dans les affaires de l'Éventreur ? Mais il y avait plus inquiétant encore ; pourquoi, oui pourquoi, Jane avait-elle rêvé de la mort de Magdalena avant même qu'elle ne se produise ?
Elle enfouit sa tête dans ses mains, se remémorant sa conversation avec la médium. La divination ? Non, ce ne pouvait être vrai ! Cela n'existait pas ! Personne n'avait le pouvoir de connaître à l'avance ce qui allait se produire... Non, tout cela n'était qu'un hasard, un horrible hasard, une mauvaise farce que lui jouait le destin. Et pourtant... Elle ne put s'empêcher d'avoir la gorge nouée à la simple pensée que la dernière fois qu'elle avait vu cette femme elle était vivante, et que quelques heures plus tard elle agonisait sous les coups de l'Éventreur, sans que personne d'autre que Jane ne le sache.
Elle reprit ses recherches pour se changer les idées. Les quelques papiers qu'elle avait trouvé en fouillant les tiroirs ne lui apprenaient rien, il n'y avait là que notre illisibles, raturées et froissées. Parmi les feuilles volantes et les scalpels, Jane trouva un exemplaire du rapport de Thomas Bond sur une des victimes de 1888 ; au Mary Jane Kelly si elle comprenait bien. Ce qu'elle découvrit dans ce rapport suffit à lui glacer le sang : gorge tranchée jusqu'à l'os, le corps perforé par d'innombrables coups de couteau colériques, ses traits méconnaissables, organes prélevés et éparpillés autour d'elle, cœur manquant... Jane referma le dossier brutalement, incapable d'en lire plus. C'était sans nul doute le crime le plus sanglant de Jack l'Éventreur en 1888. Et voilà que l'horreur reprenait là où elle s'était arrêtée des années plus tôt, car les nouvelles victimes ne différaient en rien des anciennes. Sauf si on prenait en compte les lettres adressées à Judy Browler, à supposer qu'elles aient un rôle à jouer dans toute cette histoire...
La lumière de la pièce se mit soudainement à trembloter, un mauvais pressentiment envahit Jane qui décida d'écourter son exploration. Elle rangea pêle-mêle les documents et les scalpels et se dirigea rapidement vers la porte, elle posa une main sur la poignée et poussa mais rien ne se produisit ; la porte refusa de s'ouvrir. Jane inspira profondément et se promit de ne pas céder à la panique. « Elle doit être un peu bloquée c'est tout. » Se rassura-t-elle. Elle tenta de nouveau de l'ouvrir, sans succès.
Alors qu'elle s'acharnait sur la poignée la lumière grésilla, jusqu'à ce que la salle soit complètement plongée dans le noir. Une peur étreignit la jeune fille qui faisait son maximum pour empêcher ses mains de trembler. « Surtout ne panique pas. » Lui soufflait la petite voix en elle. « Rester calme dans toutes les situations est le maître mot. » Renchérit-elle. Toutefois ces jolis mots de réconfort ne l'empêchèrent pas de donner quelques coups d'épaule vigoureux contre la porte, ainsi espérait-elle attirer l'attention de quelqu'un. Pourquoi pas ce policier raide comme un piquet qui l'avait obligée à mentir sur son identité ?
Dès lors il sembla faire plus froid dans la pièce. Après vive réflexion cela n'enchantait pas vraiment Jane d'être renfermée dans le noir complet avec deux cadavres. Le dos pressé contre la porte, elle pressa ses bras contre sa poitrine pour apporter un peu de chaleur à son corps frissonnant. Un bruit de métal claquant contre le sol la fit sursauter. Le bruit venait de l'intérieur de la pièce, elle en était certaine. Elle avait dû mal ranger un scalpel voilà tout. Ou peut-être pas... « Le pouvoir de l'imagination... » Se disait-elle en boucle en repensant au calme olympien de Will dans ce genre de situation. « Il n'a jamais été enfermé avec des morts lui au moins ! » Un autre bruit interrompit ses réflexions qu'elle souhaitait réconfortantes. Un bruit de drap cette fois-ci. Elle eut tout à coup la vague impression qu'elle n'était pas seule. Un son désagréable de respiration lui parvint. Elle frissonna de plus belle, une sueur froide coulant le long de sa colonne vertébrale. Son cœur battait tellement fort dans ses oreilles qu'elle aurait presque cru être privée de son ouïe. Un souffle léger voleta dans son cou. Angoissée par les délires de sa peur qui prenaient des proportions énormes, elle s'écrasa contre la porte en espérant passer à travers, son esprit complètement vidé de ses brillantes idées.
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Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Narrativa StoricaAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...