Chapitre 12 (2) (corrigé)

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« Il était là. Il était là. » Voilà ce que Jane se répétait en boucle depuis que la cavalerie était arrivée. « J'aimerais être invisible. » Sans doute espérait-elle que son souhait se réaliserait par une quelconque forme de magie. En attendant elle était bel et bien visible, les quelques curieux aux fenêtres et rassemblés autour d'eux pouvaient la voir aussi clairement que l'horreur que dissimulait un drap blanc tâché par une fleur écarlate. Les policiers discutaient activement entre eux, guettant nerveusement l'arrivée de l'inspecteur McColl et du coronaire. Jane pouvait percevoir des bribes de leurs conversations, à propos de l'horreur et de la violence du crime, les visages blêmes de certains policiers pouvaient en témoigner, ainsi que des remarques quant à l'insécurité et l'impatience de l'inspecteur et d'un certain « toutou de la Reine » aussi sur le coup, ce qui avait le don d'énerver leur inspecteur. L'affaire prenait des proportions démesurées, sans parler de la pression qui pesait sur lui, pas étonnant que l'inspecteur ne soit pas à prendre avec des pincettes. Jane n'osait imaginer son état si en plus on lui collait un « toutou » entre les pattes. Un surnom peu flatteur d'ailleurs, il lui tardait de rencontrer qui se cachait derrière ce sobriquet.

« Il était là. C'était lui. Et je n'ai même pas pu l'arrêter. »

Une fois le choc de la découverte passé, les questions se bousculèrent dans la tête de Jane. Des questions qu'elle brûlait d'envie de débiter à toute vitesse à qui voudrait bien lui répondre : avait-on repéré un personnage étrange dans les parages ? Ce client qu'elle venait d'accueillir quand elle les avait chassés, c'était lui, c'est sûr et certain ! Irène entretenait-elle aussi une mystérieuse correspondance avec un amant secret, comme les précédentes victimes ? Cette dernière interrogation la taraudait, les lettres semblaient être le point de convergence de toute cette histoire. C'était comme si les victimes de Jack l'Éventreur étaient marquées au fer rouge...

À ses côtés Will se tenait sur ses gardes, tendu et le regard en perpétuel mouvement, comme un chat prêt à mordre ou sortir les griffes à la moindre occasion. Il s'efforçait de laisser transparaître un masque d'impassibilité, mais au fond il bouillait, à la recherche active d'un plan d'évasion. Sauf que cette fois-ci c'était différent de tout ce qu'il avait pu connaître : ils avaient été pris en flagrant délit sur les lieux du crime, le corps à leurs pieds était encore chaud, et même si aucune arme du crime n'avait été retrouvée près d'eux, les circonstances demeuraient malgré tout accablantes.

Il coula un regard en direction de sa partenaire, ses grands yeux scrutaient chaque visage avec inquiétude et circonspection, le bout de son petit nez était rougit par le froid et elle semblait lutter contre l'envie douloureuse de ronger son pouce, témoin de son agitation intérieure. Will se rappela que toute cette situation était une première pour la demoiselle et se fit un devoir de la rassurer, il profita de la nervosité qui habitait les policiers pour se rapprocher discrètement de sa partenaire.

- Ne vous inquiétez pas, je reste avec vous, lui glissa Will. Mais j'aime autant vous prévenir, la suite des événements ne sera pas une partie de plaisir. Alors écoutez-moi très attentivement.

La jeune fille leva des yeux brillants vers lui, ils étaient rougis par des larmes qu'elle avait vaillamment refoulées. Elle redoutait ce qui allait se passer, elle ne voulait pas finir en prison.

- Dès que l'inspecteur sera là ils vont nous emmener en garde à vue pour nous interroger. D'habitude les interrogatoires sont... Enfin vous restez une dame, je doute qu'ils vous fassent quoi que ce soit. Dites leur simplement la vérité, votre nom, évoquez votre famille s'il le faut. Faites leur bien comprendre que votre initiative était irréfléchie, que vous étiez là par hasard, par ma faute.

À ces mots elle lui décocha un regard mécontent. Il lui demandait de mentir et de tout mettre sur son dos !

- Faites ce que je dis, rappelez-vous de la règle numéro un est-ce bien clair ?

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant