Chapitre 20 (3) (corrigé)

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La veste en tweed gris de l'homme luisait sous la faible lumière des quelques lampadaires. La lueur jaunâtre rebondissait sur ses épaules voutées, alors qu'il avançait rapidement, apparemment impatient. Des rires résonnèrent bruyamment dans la ruelle, la lune était déjà haute dans le ciel mais la vie dans le quartier ne s'éteignait jamais. Au pied d'un établissement baigné par la faible quiétude d'une lanterne rouge, l'individu s'arrêta. Sur le bâtiment on pouvait lire, en lettres sensuelles, La Maison du Lys.

Will, en guetteur aguerrit, avait apprivoisé l'obscurité naturellement. À force de côtoyer la nuit, elle avait fini par apposer sa marque sur lui, elle imprégnait sa peau, ses cheveux, se mêlait à son souffle. Elle le couvait de sa noirceur. Il était plus spectre qu'homme. Il profita des dons que Nyx lui conférait se rendre invisible, bifurquer dans une impasse et se dissimuler derrière l'épais mur d'une maison encore solidement ancrée sur ses fondations. Le jeune homme balaya du regard la petite assemblée, où une somptueuse créature aux cheveux d'or attira son attention. Il sera vigoureusement les poings lorsqu'il vit l'homme en tweed gris adresser la parole à la sublime Brenda. Une jeune femme aux boucles noires qui accompagnait la blonde lui glissa une messe basse avant de laisser l'intimité se créer entre la belle et son potentiel client. Miss Collins adressa un sourire charmeur à son client, battit des cils, passa une main langoureuse dans ses cheveux et caressa le visage de son client. William enrageait. Même après toutes ces années, il ne s'y faisait pas.

Le jeune homme observa la scène sans intervenir. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, loin de là ! Une rage bouillait en lui, il mourrait presque d'envie de se jeter sur le bonhomme et de lui asséner un coup de poing magistral. Il l'aurait fait sans hésiter s'il n'avait pas eu une mission... et s'il n'avait pas non plus senti l'individu qui venait d'apparaître dans son dos.

Il fit volte-face et se retrouva nez à nez avec un homme à moitié dissimulé dans la pénombre.

- Tiens donc, qui voilà... observa Will.

- Ça faisait longtemps, O'Brien, déclara une voix grave.

Il sortit de l'ombre. Un véritable géant, épais comme un tronc d'arbre, massif comme un mur de brique, solide comme un roc. Des cicatrices argentées coulaient sur ses mains et dans son cou comme autant de rivières. Une balafre sur le sourcil et la lèvre supérieure marquaient à jamais les traits durs de son visage. Intimidant, le regard noir, un véritable titan. Le jeune homme se sentit immédiatement écrasé par l'autorité naturelle qui se dégageait du géant, mais il n'en montra rien.

- C'est le temps des retrouvailles, on dirait. Est-ce que je dois feindre la surprise ou ce n'est pas nécessaire ? se hasarda Will.

L'homme fronça les sourcils, mécontent.

- C'est toi qui es parti comme un voleur, O'Brien, répondit le géant.

- Mais je suis un voleur, Baner, approuva l'Irlandais non sans un sourire narquois.

Les deux hommes se jaugèrent mutuellement, semblables à deux prédateurs s'observant, une lueur sauvage brûlant dans leurs prunelles sombres.

- Tu n'as pas changé O'Brien, tu es toujours aussi lent, lâcha le colosse.

- Et toi tu es toujours aussi prévisible.

Ces mots auraient semblés obscurs à n'importe quelle âme passante, mais étaient suffissant pour qu'eux seuls se comprennent. Avec un rictus presque complice, ils écartèrent leur arme respective pointée sournoisement vers l'abdomen de l'un comme l'autre. Baner rangea son épaisse lame dans l'étui en cuir à l'intérieur de son gilet, et il piqua un fard lorsqu'il vit l'Irlandais, provocateur jusqu'au bout, replacer un objet luisant à sa ceinture.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant