Le jeune homme blêmit. Le fait que trois hommes s'en soit pris à lui était déjà une forme de message. De plus, si Tobias Hathaway était derrière cette histoire, cela ne laissait présager rien de bon pour lui.
- Mon patron a entendu beaucoup de choses depuis son arrivée à Londres. Il a fait la tournée de la moitié des bars de Whitechapel pour qu'un nom revienne souvent dans les bouches : le tien.
- Que me veut ton patron ?
- C'est très simple, il veut que tu travailles pour lui, déclara l'homme.
- Je suis désolé, mais tu diras à ton patron que je ne suis plus sur le marché du travail.
- Oh ! Ça, il l'a bien compris ! s'exclama l'homme.
- Explique-toi.
- Par deux fois déjà tu t'es retrouvé sur son chemin. Et par deux fois tu as ruiné ses plans. Il a dit qu'il avait été très impressionné par tes qualités.
Tout s'imbriqua dans l'esprit de Will et il comprit immédiatement où l'homme voulait en venir : la première fois fut lorsqu'il sauva Nokomis du tueur à gage à deux sous qui avait été envoyé pour régler son compte à la gitane. La seconde, celle à la sortie du Dragon Bleu, l'homme qui s'en était pris à Jane. Deux tentatives soldées par deux échecs tout ça parce qu'il avait été présent. William se maudit intérieurement de ne pas avoir fait le lien plus tôt. « Quel imbécile ! » Il n'avait pas pensé que les deux missions puissent être reliées. Évidemment il avait attiré l'attention sur lui. Les rumeurs allaient vite dans le quartier, encore plus vite que dans les salons des dames de la bonne société. Si Hathaway avait eu vent de ses prouesses, alors il était fort probable qu'il en ait entendu parler aussi...
C'était une véritable catastrophe. Will avait l'impression de tomber de charybde en scylla, la situation était pire que ce qu'il pensait. Il lui paraissait maintenant incontestable que Tobias Hathaway était relié de près ou de loin aux affaires de l'Éventreur. Jane avait raison, plusieurs personnes étaient impliquées dans cette histoire, mais les liens qui les unissaient demeuraient encore flous aux yeux de Jane et Will.
Will ne s'était pas trompé et persistait à croire que Tobias Hathaway n'était qu'un pion dans cette vaste partie d'échecs. Un pion qu'il ne fallait pas négliger puisque le bonhomme était apparemment assez intelligent pour savoir qu'il fallait mieux avoir William O'Brien dans sa poche.
- Oui, l'assassinat de la gitane et celui de la petite bourgeoise. Tu étais là. Et tu t'es débarrassé des deux hommes à chaque fois. Mr Hathaway exige que tu travailles pour lui. Voilà son message.
- Ton patron doit se rendre compte qu'il ne dispose pas d'une couronne ni d'un sceptre pour exiger quoi que ce soit de ma part. Je ne travaillerai pas pour lui. Ceci n'est pas négociable, cracha Will avec mépris.
- On l'avait prévenu que tu étais dur en affaire, reprit l'homme. Mais je te conseille de te plier sagement à sa volonté.
- Et pourquoi ferai-je une chose pareille ? pouffa l'Irlandais avec dédain.
- Parce que tu ne voudrais pas voir ta petite bourgeoise se faire malmener.
À l'évocation de Jane, Will se raidit. L'homme lu dans ce regard froid et tranchant comme l'acier que l'Irlandais avait parfaitement saisi où il désirait en venir. Il venait de prendre conscience de l'ampleur de la situation et il se sentait pris au piège. Comme un tigre enfermé dans une cage, Will se retrouvait pieds et poings liés. S'il cédait on l'obligerait à faire des choses horribles. S'il refusait... Jane en pâtirait. Tobias Hathaway était décidemment trop malin, il avait appris l'existence de Jane et compris que l'objet de sa convoitise était relié à elle. Will savait qu'il avançait sur un terrain glissant, ses pas étaient des choix décisifs dorénavant et le moindre faux pas pourrait mettre en danger bien plus de personnes qu'il ne l'aurait voulu. Il songea à son ami Baner mais aussi à Brenda.
VOUS LISEZ
Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Historical FictionAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...